BERTALL CHARLES ALBERT D'ARNOUX dit (1820-1882)
Dessinateur, caricaturiste et photographe, Bertall se forme à la scène de genre dans l'atelier de Drolling. Émule de Gavarni, dont il se rapproche par l'inspiration, Bertall retrace l'histoire des mœurs du second Empire dans la presse comique (Magasin pittoresque, L'Illustration, Journal pour rire...) et dans de nombreux albums de caricature, et travaille à la fin de sa vie pour Barba, l'éditeur de presse populaire.
Bertall commence sa carrière en illustrant des textes romantiques et contribue ainsi à l'évolution du livre illustré romantique. Dans Le Diable à Paris (Hetzel, 1844-1845), on observe une alternance de séquences visuelles, les hors-texte de Gavarni, et de séquences textuelles, les vignettes dans le texte par Bertall. Celui-ci approfondit la formule dans Les Petites Misères de la vie conjugale de Balzac (Chlendowski, 1846) en présentant à la fois des portraits, des scènes de genre et des allégories, pour varier les effets, trois cents bois en vignettes et hors-texte mettant en scène le couple marié et ses déboires, fort à la mode depuis les estampes de Hogarth et la propagation en France des albums de Töpffer. Avec une verve au réalisme familier qui prime dans les années 1840, Bertall donne à voir au lecteur sa vie quotidienne en lui présentant la fonction de l'illustration dans le livre comme un « verre correcteur », ainsi qu'on peut l'observer concrètement dans la vignette amusante où Saturne tient une paire de lunettes devant les yeux du mari. Hetzel utilise habilement les possibilités inventives de Bertall en lui confiant l'illustration de plusieurs volumes du Nouveau Magasin des enfants, collection de textes d'auteurs confirmés, mise en œuvre pour faire pièce à la « tisane littéraire » dont on abreuvait les enfants de la monarchie de Juillet. Bertall exprime les divers registres de sa fantaisie dans Tom Pouce (1844), où les pages consacrées à l'Album du roi, livre dans le livre, sont autant de clins d'œil concernant la vie politique et littéraire du moment, dans Histoire d'un casse-noisette (1845), spirituel conte d'Alexandre Dumas librement adapté de la fantaisie d'E. T. A. Hoffmann : les petits dessins de Bertall, au trait vigoureux et ramassé, mêlant la caricature, la scène de genre cruelle, les intérieurs et les physionomies de caractère (par exemple la trogne du conseiller qui apparaît en frontispice et donne le ton à ce qui suit), parsèment avec bonheur le texte à la typographie aérée et donnent au volume un rythme bondissant. Malgré son graphisme sec et son inspiration satirique, Bertall parvient à de vraies réussites dans le livre pour enfants, grâce à la vivacité de son imagination. Ses très nombreuses contributions pour la Bibliothèque Rose Illustrée sont moins créatrices, car le rapport texte/illustrations ressortit à une tradition plus académique, que ce soit dans Les Petites Filles modèles ou Les Vacances (1859) de la comtesse de Ségur — dont il n'est pas le meilleur imagier — ou Les Contes de Schmid (1868), ceux de Perrault ou d'Andersen. L'illustrateur trouve une veine plus originale dans certains des « albums de trois à six ans » en couleurs qu'Hachette édite sous l'égide du Struwwelpeter (1845) traduit par Trim à cette occasion. Les Infortunes de Touche-à-tout (1865), dont le propos sur l'éducation trahit ouvertement l'influence du célèbre album allemand, s'inscrit dans la même veine : le texte en vers de mirliton n'est qu'un accompagnement à l'image qui se suffit à elle-même, parodie de l'histoire populaire où Bertall parvient au burlesque en trois séquences de facture simplifiée (par exemple « Touche-à-tout grimpe dans le baquet »). Dans un autre album paru en 1867, Mademoiselle Marie-sans-soin, Bertall développe avec maestria les ressources de[...]
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Écrit par
- Laura NOESSER : conservateur des bibliothèques
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