MORISOT BERTHE (1841-1895)
Une femme dans le groupe des impressionnistes
Les œuvres de Berthe Morisot sont rapidement considérées d'une force égale à celles du groupe qui expose pour la première fois en 1874 dans l'atelier de Nadar, et qui entre dans l'histoire au titre de la première exposition impressionniste. La jeune femme y expose neuf toiles, qui sont remarquées par la critique. Elle participe dès lors à chacune des expositions impressionnistes, sauf en 1879, peu après la naissance de sa fille Julie. Son entrée dans la famille Manet, en 1874, par son mariage avec Eugène, le frère d'Édouard, lui procure la tendresse attentionnée et compréhensive de celui qui œuvra toute sa vie à sa reconnaissance en tant qu'artiste.
À travers une œuvre d'une grande liberté de facture, elle donne une vision lumineuse et heureuse de sa vie de femme et de mère (Jour d'été, 1879 ; Eugène Manet et sa fille dans le Jardin de Bougival, 1884), qui ne laisse pas soupçonner les souffrances procurées par son exigence d'artiste. Des paysages aux portraits intimes, elle se distingue par une sûreté de composition et une qualité de dessin qui plaît particulièrement à Degas et à Renoir, sans rien sacrifier d'une spontanéité apparente. La touche, abrégée, rapide, dessine dans la couleur, et restitue le sentiment de l'instant capturé à la volée. Cette légèreté de la facture l'a souvent fait comparer à Fragonard, son arrière grand-oncle. Pourtant, son œuvre reste singulière. Les liens d'amitié particuliers qui la lient à Renoir renforcent son goût pour le dessin, et soutiennent l'ambition des grandes compositions décoratives qui apparaissent dès le début des années 1890 (Le Cerisier, 1891). Non contente de réunir sa vie à son œuvre, c'est en peintre ambitieuse qu'elle réfléchit, déclinant parfois en grand des compositions qu'elle expérimente sous différents formats, différentes techniques (série des Bergères, 1891). Elle parvient ainsi à restituer ce qui la torture depuis toujours, à l'instar de Monet : « fixer quelque chose de ce qui passe ». En 1941, lors de la rétrospective de l'Orangerie, Paul Valéry la salue en ces termes : « On perçoit à présent des qualités qu'elle fut seule à posséder parmi les impressionnistes, et qui sont, du reste, des plus rares en peinture. »
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Écrit par
- Emmanuelle AMIOT-SAULNIER : docteure en histoire de l'art, professeure à l'Institut d'études supérieures des arts, chargée de cours à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Médias
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