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RUSSELL BERTRAND lord (1872-1970)

La logicisation de l'épistémologie

Pour Russell, « la logique est à la philosophie ce que la mathématique est à la physique ». Dans La Méthode scientifique en philosophie, il écrit : « Tous les problèmes dont nous avons parlé et traiterons dans la suite (c'est-à-dire ceux concernant notre connaissance du monde extérieur) peuvent se réduire, dans la mesure où ils sont spécifiquement philosophiques, à des problèmes de logique. Et ce n'est pas accidentel, étant donné que tout problème philosophique soumis à une analyse et à une clarification indispensable se trouve ou bien n'être pas philosophique du tout, ou bien être logique, dans le sens où nous employons ce terme... » Ce logicisme, avant de se tempérer sous l'effet de quelque scepticisme, constitua la ligne de départ de la réflexion philosophique russellienne sur les problèmes d'épistémologie et de philosophie des sciences. Il exige de « substituer partout où c'est possible des constructions en termes d'entités connues à des inférences sur des entités inconnues ». Ce retour à l'observable strict s'accompagne d'un usage systématique strict de la construction logique sur le plan théorique.

Construction logique

Tout ce qui relève d'une construction logique suppose qu'il s'agit de l'élaboration d'un objet théorique systématiquement construit et qui ne peut en dernière analyse que renvoyer à un constituant médiat de notre expérience cognitive – s'il s'en trouve, bien entendu. Dès lors qu'une représentation symbolique intervient qui nous permet, par des combinaisons de signes déterminés, de surmonter l'immédiateté de la présentation sensible ou de dépasser les conditions initiales d'ordre causal de notre expérience, nous sommes amenés à élaborer une théorie appropriée de l'objet en question. Ainsi, « le centre de la masse solaire le 1er janvier 1972 » est un point dans l'espace-temps physique qui ne peut se détecter ni intrinsèquement ni directement. Sa construction logique et de nature instrumentale est théoriquement des plus élaborées. Elle implique tout un vaste programme de logicisation formelle de la physique mathématique. Il existe dans notre savoir un nombre indéfini d'objets de cette sorte intervenant dans des propositions ou des fonctions propositionnelles de cette nature. Le point, l'instant, la particule sont de cet ordre en physique mathématique, de même que tous les objets théoriques similaires des diverses sciences (mécanique, électromagnétisme, dynamique, biologie, psychologie, etc.). L'axiomatisation des énoncés relatifs à ces notions instrumentales est un des objets de la logicisation formalisée de notre savoir. Russell a exposé ses vues à ce sujet dans l'Analyse de l'esprit (1921) et surtout dans l'Analyse de la matière (1927), ouvrages qui constituent deux versants de cette entreprise de haute technicité, réalisée grâce à l'intervention de la « méthode d'abstraction » inventée par Whitehead (1914). Dans son principe, c'est une procédure extensionniste de traitement des entités théoriques, une analyse systématique exploitant un rapport formel de « contenant-à-contenu », une analyse appliquée à des volumes quelconques non cotangents empiriquement donnés dans la perception. Ces rapports de contenant-à-contenu aident à construire et à instaurer à la limite les entités abstraites du point, de l'instant et de la particule. C'est dans le cours de cette analyse que Russell, au lieu de procéder à partir des données-des-sens à la construction de la connaissance, recule l'élémentaire terminus a quo (tout comme Whitehead) jusque dans l'événement. Le point n'est alors qu'une fonction très particulière de classe de classes d'événements.

Ainsi se trouve[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie royale de Belgique, professeur aux universités de Liège et de Bruxelles, président du Centre national de recherche de logique

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Bertrand Russell - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Bertrand Russell

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