DAVIS BETTE (1908-1989)
Des rôles hors normes
Elle privilégie à présent des rôles de femme dure, ou de victime d'un ordre social sévère, sans jamais gommer les aspérités de ses personnages, mais en leur conférant toujours une touche inventive. Conception plutôt hardie à une époque où le public américain était essentiellement constitué de spectatrices, qui auraient pu rejeter le personnage de « garce » qu'elle interprète dans The Letter (1940), d'après Somerset Maugham, et dans The Little Foxes (La Vipère, 1941), deux films de William Wyler, qui savait parfaitement tirer profit du magnétisme de l'actrice.
Désormais, Bette Davis est la seule interprète en tête d'affiche. Elle alterne donc les rôles de « monstresses », qu'elle dessine avec une jubilation presque masochiste, avec ceux de victimes bien décidées à prendre une revanche sur « les bien-pensants », comme dans Now Voyager (1942). À la fin des années 1940, à la suite de deux comédies anodines, elle rompt son contrat avec la Warner après avoir tourné Beyond the Forest (La Garce, 1949) – qui n'eut pas le succès escompté – pour King Vidor. En 1950, Joseph Mankiewicz la dirige dans All about Eve ; le rôle de Margo Channing, la star de théâtre, est celui auquel on l'identifie le plus volontiers : verbe haut, répliques qui font mouche. Ce film vaudra à son réalisateur deux oscars à Hollywood (meilleur film et meilleur réalisateur) et le prix de meilleure actrice à Bette Davis au festival de Cannes. Cette dernière atteint la maturité de son talent singulier. Mais, alors qu'elle pouvait espérer une brillante « seconde » carrière, elle ne peut trouver de rôles aussi complets, qu'il s'agisse de celui qu'elle interpréta dans Payment on Demand (L'Ambitieuse, 1951) ou dans The Star (1952).
Le temps des honneurs arrive. L'actrice s'autoparodie parfois, accepte des participations telles que The Scapegoat (1959) au côté d'Alec Guiness, ou encore The Virgin Queen (1955) où elle reprend le rôle de la reine Élisabeth, seize ans après. En 1961, à Broadway, elle interprète avec succès sur scène The Night of the Iguana de Tennessee Williams et donne des récitals de poèmes de Carl Sandburg. Avec beaucoup d'ironie, elle fait passer une demande d'emploi dans la presse professionnelle. Robert Aldrich saisit la balle au bond et l'oppose à Joan Crawford dans What Ever Happened to Baby Jane ? (1962), où elle campe l'une des deux sœurs, jadis enfant prodige puis star déchue, vivant de ses souvenirs et distillant sans pudeur sa haine, sa jalousie et sa folie. Le film remporte un tel succès que l'actrice n'hésitera pas à suivre la voie trop étroite du cinéma d'épouvante (The Nanny, 1965 ; Madame Sin, 1972) et, toujours avec Aldrich, Hush...hush, Sweet Charlotte (1964). Au début des années 1970, Bette Davis retrouve en Italie un rôle plus évident dans L'Argent de la vieille (1972) de Luigi Comencini, où elle interprète la vieille Américaine millionnaire que le couple formé par Alberto Sordi et Silvana Mangano veut ruiner, avant de se produire en Angleterre dans Death on the Nile (1978) de John Guillermin. Elle tourne également pour la télévision, publie ses mémoires, et sera la première star honorée en 1979 par l'American Film Institute. Elle tourne, en 1987, son dernier film, The Whales of August (1987), au côté d'une autre star pionnière, Lilian Gish. Refusant d'être vaincue par la maladie, elle continuait de présider des festivals, de présenter des rétrospectives de ses films ou de promouvoir son nouveau livre de souvenirs. Bette Davis avait, sans aucun doute, une volonté de fer.
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
Classification
Médias
Autres références
-
STARS ET VEDETTES
- Écrit par Gérard LEGRAND
- 3 608 mots
- 11 médias
Guerre mondiale. Certes, nombre de stars continueront et même renouvelleront leur carrière (Bette Davis, Joan Crawford, Gary Cooper, Clark Gable, par exemple) et de nouvelles stars plus ou moins fugitives apparaîtront. C'est l'époque, d'ailleurs, où se forgera en France le mot « starlette » pour...