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BIBLE Ancien et Nouveau Testament

L'« Intertestament » : l'espace social du Livre

Le groupe et le Livre

La traduction biblique dite des Septante rend les termes « origine » et « généalogie » (en hébreu, toledot) par la formule « Livre de l'origine » (en grec, biblos génésèôs). Et cela dès le Livre de la Genèse, à propos de la création du monde (ii, 4) et de l'apparition des races humaines (v, 1).

Le Nouveau Testament débute par les mots Biblos génésèôs, incipit ambigu de la généalogie de Jésus, de l'Évangile selon Matthieu et du corpus entier qui porte le nom de Nouvelle Alliance. Cette imputation du concept de livre tant aux représentations de l'origine et de l'organisation du cosmos, du peuplement et de la première histoire sociale du monde qu'à des productions littéraires diverses et spécifiques, comme aussi à la présentation systématisée d'événements qui s'organisent en une vie de Jésus-Christ, frappe vivement l'attention. Bien plus, un tel fait vient s'articuler avec le processus de communication et de traduction qui, à partir du iiie siècle avant J.-C. et durant plusieurs décennies successives, a vu tout un corpus, le livre de la Torah, déjà quasi canonisé par un groupe doctrinalement défini, Israël, se manifester non plus dans sa langue originale, l'hébreu, mais en grec, la langue de la gentilité. C'est d'abord au sein de la puissante entité judaïque (le politeuma) d' Alexandrie que l'ensemble des livres sacrés s'est appelé « le Livre » (hè Biblos). Un brillant ouvrage alexandrin, la Lettre d'Aristée, long plaidoyer à teneur autant politique que dogmatique et défenseur vigoureux de la traduction grecque des Septante, est, semble-t-il, le premier document à employer l'expression « les textes de la Bible » (littéralement « du Livre »). La Règle de la communauté de Qumrān, ouvrage palestinien en langue hébraïque, de son côté et presque à la même époque, désignait aussi la Torah (écrite) comme « le Livre » (vi, 7). Il appert donc que le politeuma, profondément hellénisé mais non moins doctrinalement juif, d'Alexandrie, la fraternité aux tendances sectaires et conservatrices de Qumrān, sans oublier les unités originelles du christianisme – soit autant de groupes qu'investissait un système dogmatique fortement régulateur –, ont, chacun en son lieu et dans sa langue propres, défendu et assuré leur existence dans un rapport de réciprocité avec une collection unitaire d'œuvres littéraires qu'ils reconnaissaient et présentaient comme « la Bible », c'est-à-dire comme leur livre.

Ce processus d'écriture et de reconnaissance d'une Biblepar un groupe juif, judéo-chrétien ou chrétien paraît historiquement et socialement s'exprimer sur un champ d'une assez ample latitude. Ainsi, durant toute la période que l'on dit « intertestamentaire », entre le iie siècle avant et le ier siècle après J.-C. environ, bien des textes juifs, aujourd'hui groupés sous l'appellation technique d'apocalypses (révélations), manifestèrent une tendance très accusée à s'organiser à la manière d'une mini-Torah ou d'une mini-Bible, autrement dit à doublement s'achever : à la fois comme produits littéraires et comme réalités créatrices de groupes « biblistes » déterminés. On pense aux grands textes palestiniens tels que le Livre d'Hénochet le Livre des jubilés, etc., mais aussi à des ouvrages insolites comme le IIIeOracle sibyllin. Ce dernier, né sur le sol alexandrin vers le milieu du ier siècle avant J.-C., est un pur pastiche homérique qui reflète de nombreuses traditions, croyances et idées grecques (par exemple, le mythe des races d'Hésiode) ou orientales (telle l'antique doctrine babylonienne de l'année cosmique) ; il n'en demeure pas moins, dans le[...]

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