Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BIBLE L'inspiration biblique

Les Pères de l'Église : artisans et témoins de la doctrine chrétienne de l'inspiration

À la fin du ier siècle de l'ère chrétienne, donc, dans la fameuse épître aux Corinthiens, que la tradition la plus ancienne lui attribue, Clément de Rome écrit : « Vous vous êtes plongés dans les saintes Écritures, ces vraies Écritures données par l'Esprit-Saint. » Il désigne les prophètes bibliques comme les « ministres de la grâce de Dieu, mus par l'Esprit-Saint ». À sa suite, Justin, Irénée, Hippolyte de Rome, Origène, Jérôme, et bien d'autres, en Orient comme en Occident, utilisent le mot « inspiration » (épipnoia, assez souvent, chez les auteurs grecs) en l'appliquant encore parfois à un champ littéraire ou discursif débordant assez largement celui des Écritures sacrées dans leurs limites strictes. Ainsi, Clément de Rome, désireux de fonder l'autorité voire l'universalité de ses arguments, semble se placer lui-même parmi les auteurs inspirés quand il écrit : « Vous nous procurez joie et allégresse si vous obéissez à ce que nous avons écrit par le Saint-Esprit. » Pour Origène, l'inspiration divine (théou épipnoia) est nécessaire aussi au philosophe pour que puisse lui être « manifestée la nature du mal, révélé son mode d'apparition, comprise la façon dont il disparaîtra » (Contre Celse, iv, 65). Grégoire de Nazianze n'hésite pas à présenter les homélies de saint Basile comme divinement inspirées, ni saint Augustin à affirmer que Jérôme a écrit sous la « dictée » de l'Esprit. Pourquoi cet élargissement ? Philon d'Alexandrie, l'une des sources importantes des Pères, présentait volontiers sa propre interprétation des Écritures comme inspirée par l'Esprit-Saint. Ce précédent juif a dû influer sur la réflexion chrétienne des premiers siècles. Il y a autre chose. Les textes attribués aux Apôtres, non encore placés, en tout ou en partie, sous l'appellation de Nouveau Testament, se présentaient pour une bonne part comme l'interprétation et l'achèvement des Écritures déjà bien instituées. De cette prérogative elles tenaient d'autant plus leur autorité que les paroles de Jésus-Christ dont elles témoignaient, et qu'elles prolongeaient, les avaient précédées sur cette voie. Dans cette logique, les écrits des Pères anciens pouvaient comme naturellement revendiquer d'intervenir eux-mêmes dans le sillage direct des Apôtres. Il faut évoquer enfin la façon dont s'est posée chez les Pères, à partir du iiie siècle et même déjà du iie, la question du rapport entre la Tradition et l'Écriture : il fallut du temps pour préciser ces deux concepts et pour asseoir l'autorité de ce que chacun d'eux désigne ; on ne put donc éviter des ambiguïtés transitoires.

De la conception des Écritures comme divinement inspirées, les Pères sont passés, quoique tardivement, à celle de Dieu comme leur auteur véritable. Les controverses qui opposèrent l'Église d'Afrique et les manichéens aux ive et ve siècles acclimatèrent le terme d'« auteur » dans le vocabulaire des déclarations ecclésiastiques et lui donnèrent son sens littéraire en spécifiant la notion grecque de cause. Saint Ambroise déjà, dans la seconde partie du ive siècle, tient les mots de l'Écriture pour ceux de Dieu et non ceux des hommes. On approche de la formule définitive, venue formellement sous la plume de Grégoire le Grand (590-604) : « Par la foi, écrit celui-ci, nous croyons que l'auteur du livre est l'Esprit-Saint. C'est donc lui-même qui l'a écrit, lui qui l'a dicté : il l'a écrit lui-même, lui qui a été l'inspirateur de l'œuvre » (Moralia, Préface i, 2). Cette idée fera son chemin ; c'est sur elle que l'on fondera surtout la doctrine[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

<it>Saint Augustin</it>, Botticelli - crédits : Rabatti - Domingie/ AKG-images

Saint Augustin, Botticelli

Autres références

  • LA BIBLE (trad. 2001)

    • Écrit par
    • 1 014 mots

    L'événement de la première rentrée littéraire française du xxie siècle a accompli la prédiction d'André Malraux : il a été d'ordre spirituel. Après six ans de travail, l'équipe de vingt écrivains et vingt-sept exégètes réunie par les éditions Bayard autour des Français Frédéric Boyer (écrivain)...

  • LA BIBLE DÉVOILÉE (I. Finkelstein et N. A. Silberman)

    • Écrit par
    • 975 mots

    Ce livre, traduit de l'anglais The Bible Unearthed par Patrice Ghirardi (La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie, Bayard, Paris, 2002), présente un essai à la fois audacieux et tonique des apports de l'archéologie des cinquante dernières années à la compréhension...

  • AARON

    • Écrit par
    • 384 mots
    • 1 média

    On ne sait guère d'où vient le nom d'Aaron, peut-être d'Égypte comme celui de Moïse, dont, selon la Bible, Aaron aurait été le frère. Les traditions le concernant doivent être soumises à la critique et bien discernées l'une par rapport à l'autre. La figure postexilique d'Aaron...

  • ABRAHAM

    • Écrit par
    • 868 mots

    La Bible nous présente Abram (Père puissant), surnommé par la suite Abraham (Père d'une multitude de nations, ou selon l'akkadien : Aimant le Père), comme l'ancêtre commun des Ismaélites et des Israélites. L'histoire d'Abraham – le premier monothéiste – et celle de ses pérégrinations occupent une place...

  • ADAM

    • Écrit par
    • 1 758 mots
    Dans la Genèse, un récit plus ancien, bien que placé en second lieu (Gen., ii, 4-25), décrit la formation de l'homme, modelé avec la glaise du sol, puis animé par le souffle de Dieu, qui en fait un être vivant, placé alors dans un jardin divin planté d'arbres fruitiers luxuriants. Dieu lui interdit...
  • ÂGE ET PÉRIODE

    • Écrit par
    • 1 957 mots
    Si le temps de la Bible, qui compresse en six millénaires la durée de toute l'histoire du monde, s'impose durant le Moyen Âge occidental, ce mythe d'origine perd peu à peu sa crédibilité pendant les siècles suivants (même si toute lecture non littérale des livres saints reste passible...
  • Afficher les 75 références