BIBLE Les livres de la Bible
Traditions et « canons »
Une fois la Tōrah éditée, sous la direction d'Esdras, semble-t-il, pour servir de loi officielle à l'État judéen, la canonisation des Livres prophétiques et des Écrits ne fut pas le fait d'une quelconque autorité mais provint de leur usage dans la vie liturgique et spirituelle du peuple juif lui-même. Les communautés de la Diaspora, et particulièrement la plus importante, celle d'Alexandrie, éprouvèrent le besoin de lire les « Livres saints » dans la langue qui leur était la plus habituelle, le grec. Une traduction quasi officielle fut lentement réalisée entre la fin du ive et celle du iie siècle avant J.-C., par des auteurs qui nous restent inconnus. Le nom qu'elle porte, la version des Septante, lui vient de la légende qui veut que, sur l'ordre de Ptolémée Philadelphe, soixante-douze sages israélites aient traduit en soixante-dix jours l'ensemble de la Bible hébraïque.
Les chrétiens, qui pour la plupart parlaient grec, adoptèrent la Septante comme texte officiel et lui adjoignirent, à partir du début du iie siècle, l'ensemble des écrits spécifiquement chrétiens, le Nouveau Testament.
Cependant, devant la prolifération des œuvres sectaires d'orthodoxie douteuse, parmi lesquelles ils rangeaient peut-être les toutes premières ébauches néo-testamentaires, les responsables des communautés juives réunis à Yabneh (Jamnia), au sud de Jaffa-Tel-Aviv, dans les années 90-95, dressèrent le canon des livres faisant autorité comme parole divine, ce qui entraîna la fixation ne varietur du texte hébreu lui-même. Ils n'acceptèrent pas certains livres inclus dans la Septante. Les chrétiens n'en continuèrent pas moins à reconnaître comme inspiré l'ensemble des œuvres représentées dans cette traduction, bien que leurs controverses avec les juifs les aient conduits à distinguer les livres reçus par tous et ceux qui leur sont propres et qu'on appellera plus tard deutérocanoniques. Même si certains Pères de l'Église, comme Jérôme et Rufin, optèrent plutôt pour le canon juif de l'Ancien Testament, et si d'autres restèrent hésitants, l'usage du canon large de la Septante fut conservé et s'établit définitivement vers le ve siècle. La question de la canonicité des livres du Nouveau Testament ne se posa qu'à partir de la seconde moitié du iie siècle, lorsque, d'une part, Marcion rejeta l'origine divine de l'Ancien Testament et exclut du Nouveau tout ce qui s'y référait, ne gardant que l'Évangile selon Luc et quelques lettres de Paul, non sans les mutiler, et que, d'autre part, Montan tenta inversement d'introduire dans le canon de nouvelles œuvres de sa secte, œuvres qu'il prétendait inspirées.
La première liste connue des livres du Nouveau Testament est le canon de Muratori : l'Épître aux Hébreux en est absente et l'état du texte laisse planer des doutes sur la mention de la Deuxième Épître de Pierre et de celle de Jacques. Origène, Eusèbe et d'autres, dont Jérôme se fait encore l'écho au ive siècle, émirent des doutes sur la canonicité de diverses Épîtres dites catholiques. En fait, l'usage général, à partir du ive ou ve siècle, fut de retenir l'ensemble des livres néo-testamentaires selon l'ordre qui est encore aujourd'hui celui de la plupart des Églises chrétiennes. Lorsqu'au xvie siècle les réformateurs protestants, pour les livres de l'Ancien Testament, choisissent le canon de la Bible hébraïque, l'Église catholique romaine définit au concile de Trente les livres à recevoir comme inspirés. Il y a donc, depuis cette époque, une légère différence entre les bibles catholiques et protestantes, les premières seules recevant comme inspirés les livres deutérocanoniques. Les anglicans, pourtant, lisent encore une partie[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre SANDOZ : ancien professeur aux Facultés dominicaines du Saulchoir, élève titulaire de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem
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