BIBLIOTHÈQUES
Dès l'apparition de l'écriture, on s'efforça dans toutes les civilisations de conserver certains documents écrits, soit dans des locaux particuliers, comme ce fut le cas dans les palais et les temples du Moyen-Orient où l'on ne distinguait pas, parmi les tablettes conservées, les documents d'archives et les textes littéraires, soit, comme en Chine, parmi les trésors des princes. Puis on apprit à mettre à part les livres dans des bibliothèques proprement dites. D'où la constitution de grandes collections rassemblées sur l'ordre de souverains ou de grands personnages désireux de lier symboliquement leur nom à ce que la culture de leur peuple avait de plus sacré et de le faire passer à la postérité. Ces bibliothèques apparaissent donc d'emblée comme des instruments de cumulation, mais aussi de sacralisation des savoirs. Elles sont les ancêtres des établissements de conservation chargés d'assurer la survie des patrimoines nationaux. Parallèlement, des communautés, le plus souvent religieuses à l'origine, se dotèrent de fonds destinés à favoriser les études. Puis, des initiatives se multiplièrent pour favoriser la diffusion de la culture livresque : tel fut le point de départ des bibliothèques de lecture publique. Enfin, la nécessité de suivre l'actualité favorisa l'apparition – souvent au sein des bibliothèques – de centres ou de systèmes destinés à fournir une documentation récente sur un type de sujet.
Autant de changements qui se situaient encore dans la logique de ce que l'on pourrait appeler la « forme-livre ». Il en va tout autrement avec la révolution des communications et la diffusion électronique de l'information, qui obligent à repenser la conservation des documents, et par là même la notion de « bibliothèque ».
Aperçu historique
L'Antiquité
Le terme même de bibliothèkè est attesté pour la première fois en Grèce dans un texte de la seconde moitié du ive siècle avant J.-C. Il n'est cependant question que de bibliothèques privées dans la Grèce classique. En revanche, on vit apparaître à l'époque hellénistique de grandes bibliothèques créées par les successeurs d'Alexandre. La plus célèbre fut fondée par Ptolémée Sôter (322-283) dans l'enceinte du Musée, communauté de lettrés destinée à servir les Muses et conçue sur le modèle des communautés de philosophes grecs. Ces lettrés s'appliquèrent à y réunir toutes les productions écrites dignes de mémoire. Soit une politique de prestige que les souverains égyptiens surent doter des moyens nécessaires. On s'efforça de se procurer les manuscrits des ouvrages les plus célèbres ; des copistes, des grammairiens et des philologues furent chargés de revoir le texte et la présentation des monuments de la littérature grecque ; enfin, des équipes de traducteurs donnèrent une version grecque des grandes œuvres écrites dans une langue étrangère : ainsi firent les Septante pour l'Ancien Testament. La bibliothèque du Musée rassembla finalement plusieurs centaines de milliers de rouleaux, sans compter ceux qui furent accumulés non loin de là, au Serapeum.
Les princes des autres dynasties hellénistiques, et notamment les Attalides à Pergame, imitèrent cet exemple. Au total, même si la diffusion des ouvrages promis à la postérité ne se produisit pas directement à partir du Musée, cette entreprise favorisa la survie de nombreux textes, reproduits pour constituer de nouveaux fonds et réunis selon les corpus établis par les savants alexandrites. En même temps, les traités bibliographiques se multiplièrent, une véritable science bibliothéconomique se développa, les bâtiments où étaient rangées ces précieuses collections furent munis d'un système d'aération propre à favoriser la conservation des fragiles papyrus et devinrent de véritables temples du [...]
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Écrit par
- Henri-Jean MARTIN : professeur émérite à l'École nationale des chartes, directeur d'études à la IVe section de l'École pratique des hautes études
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