BICEP (Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization)
Le télescope B.I.C.E.P. (pour Background Imaging of CosmicExtragalacticPolarization, soit Imagerie de polarisation du fond cosmique extragalactique) est un instrument dédié à l’étude du rayonnement primordial. Il est installé sur le continent Antarctique et utilisé par des équipes de physiciens du Caltech (l’Institut de technologie de Californie à Pasadena) et de l’université de Californie. Il fait partie des instruments de la station polaire Scott-Amundsen gérée par la National Science Foundation (N.S.F.) américaine à proximité immédiate du pôle Sud. L’atmosphère exceptionnellement froide et sèche de cet endroit est particulièrement adaptée aux observations astronomiques même si la rudesse climatique (la température moyenne mensuelle varie de — 28 0C à — 60 0C suivant les époques de l’année) y rend les séjours des scientifiques particulièrement éprouvants.
En opération depuis février 2006, B.I.C.E.P. est un télescope de type réfractif et de faible ouverture qui observe environ 3 p. 100 du ciel austral. Sa partie optique est maintenue à une température de 4 kelvins (environ — 269 0C) pour assurer une stabilité parfaite. Son principe de détection est l’utilisation de bolomètres, des appareils permettant de mesurer la puissance d’une onde électromagnétique grâce à la présence d’un matériau dont la résistance électrique dépend fortement de la température. L’élévation de température signe l’absorption d’une onde. Refroidis à 250 mK (millikelvins), des bolomètres sensibles à la polarisation des ondes de fréquence 100 ou 150 GHz (gigahertz) sont installés sur une monture qui tourne continûment afin de varier l’azimut et l’élévation de la portion de ciel observée, avec une résolution meilleure que 1 degré. Mesurer les caractéristiques de la polarisation du fond électromagnétique diffus cosmologique aux échelles angulaires moyennes est le but principal de cette expérience.
Dans une première phase, nommée B.I.C.E.P. 1, 49 paires de bolomètres ont été montés et une campagne de mesures menée entre 2006 et 2008 a permis de calibrer soigneusement tous les composants du détecteur et d’observer une portion du ciel austral de l’ordre de 1 000 degrés carrés. Après une période de rénovation de l’instrument et l’installation de 512 bolomètres dans le plan focal, la seconde phase de l’expérience (B.I.C.E.P. 2) a accompli trois saisons d’observation de 2010 à 2012. La sensibilité de ce nouveau montage s’est révélée, comme attendu, bien meilleure que celle de B.I.C.E.P. 1 et les résultats de cette campagne, annoncés en mars 2014, ont connu un grand retentissement. En effet, le modèle cosmologique favori de nombreux physiciens depuis 1980 contient, très peu de temps après l’explosion primordiale (le « big bang »), une brève phase d’expansion brutale (appelée inflation en référence à sa croissance exponentielle) pendant laquelle des ondes gravitationnelles intenses se seraient propagées à travers tout l’Univers naissant. Ces ondes gravitationnelles auraient laissé leur empreinte en modifiant la polarisation des ondes électromagnétiques qui constituent le fond cosmologique, donnant naissance à ce qu’on appelle une polarisation tensorielle (ou mode B). Les données de B.I.C.E.P. 2 indiquent clairement la présence de ce mode B. Malheureusement, d’autres sources de ce mode B détecté sont envisageables et les physiciens de la mission Planck ont démontré, en septembre 2014, que l’effet des poussières interstellaires avait été sous-estimé dans l’analyse de la polarisation. L’importance du résultat de B.I.C.E.P. 2 et sa pertinence quant à la possible signature de la quantification de la gravitation et de l’existence d’une période d’inflation dans l’expansion cosmologique ne sont donc pas assurées.
Avec l’installation d’une extension du détecteur[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Média