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BIG BOSS, film de Wei Lo

Un grand numéro

Big Boss s'inscrit d'abord dans les canons d'un genre. Il contient sept séquences de combat, chacune d'une durée comprise entre une et sept minutes, pour un total de vingt-trois minutes. La violence qu'elles peignent apparaît à la fois réaliste et distanciée. Il y a beaucoup de sang qui coule, mais aussi des mouvements chorégraphiés et quelques moments comiques (un mauvais garçon qui passe à travers une façade de bois en y découpant sa silhouette, comme dans un Tex Avery...).

Le film fait grand usage, ensuite, de situations types et de personnages dessinés une fois pour toutes. Le gentil Cheng Chao-an est aussi timide avec les filles que le plus fort au kung-fu ; le vilain Hsiao Mi, dont chaque apparition est ponctuée par des accords dissonants, est fourbe, pervers et suffisamment maladroit pour se faire prendre à la fin. Le temps d'une séquence « érotique » droit sortie d'un nudie des années 1960, il y a aussi la prostituée-au-bon-fond – ce n'est pas de sa faute si elle fait ce métier, mais celle de Hsiao Mi...

Entre les sept séquences de combat, le récit se déroule suivant un scénario extrêmement facile d'accès, qui laisse peu de place à l'émission d'hypothèses ou au suspense. Dès l'arrivée de Cheng Chao-an à l'usine, le spectateur est mis au courant du trafic de drogue, et la seule question qui se pose est : combien faudra-t-il d'enlèvements et de cadavres pour que Cheng Chao-an se décide enfin à donner à cette crapule de Hsiao Mi la correction qu'il mérite ? La mise en scène ne brille pas non plus par son originalité : des zooms violents, des cadrages approximatifs et des couleurs qui trahissent l'impatience d'une équipe de tournage peu soucieuse d'attendre que le soleil sorte des nuages.

En réalité, Big Boss aurait depuis longtemps plongé dans les oubliettes de l'histoire du cinéma s'il n'avait pas enregistré, au milieu des platitudes, la performance d'un certain Bruce Lee. Qu'il coure sur la pointe des pieds comme un chat qui file à un rendez-vous nocturne ou qu'il hulule entre deux de ces manchettes qui vous laissent un adversaire en miettes, Bruce Lee magnétise la caméra, charme petits et grands, filles et garçons, spécialistes de kung-fu et béotiens nés de la dernière pluie. Dès qu'il apparaît, opère la bonne vieille magie « ontologique » du cinéma, celle qui permet de fixer pour l'éternité les gestes d'un grand numéro.

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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