BIGELOW KATHRYN (1951- )
Scénariste, productrice et réalisatrice américaine de films d’auteur et de genre, Kathryn Ann Bigelow est née le 27 novembre 1951 à San Carlos (Californie). Elle étudie la peinture au San Francisco Art Institute avant de suivre un cycle d’études théoriques sur le cinéma à l’université Columbia, dont elle sort diplômée en 1979. Sa carrière débute avec une période proche de la no-wave post-punk qui va de son premier court-métrage, The Set-Up (1978), à Aux Frontières de l’aube (Near Dark, 1987). De Blue Steel (1989) à Strange Days (1995), revisitant le film de genre, elle se tourne à la fois vers le cinéma hollywoodien et le cinéma d’auteur « à l’européenne ». Après un temps d’hésitation au début des années 2000, elle fait la chronique des malaises de son pays, liés au terrorisme et au racisme, de Démineurs (The HurtLocker) – pour lequel elle reçoit l’oscar de la meilleure réalisation en 2010, devenant ainsi la première femme à obtenir ce trophée – à Detroit (2017). Elle a été entre 1989 et 1991 l’épouse du réalisateur James Cameron avec qui elle a collaboré. Son style est à la fois froid et esthétiquement très travaillé, ses personnages communiquent plus par le biais de la fascination que du dialogue et de l’échange d’idées.
Une relecture des films de genre
Kathryn Bigelow a d’abord fréquenté la scène underground new-yorkaise aux côtés de cinéastes comme Amos Poe, Lydia Lunch ou Lizzie Borden. Elle coréalise avec Monty Montgomery, en 1982, son premier long métrage, The Loveless, une œuvre stylisée qui se réfère à L’Équipée sauvage de Laszlo Benedek (1953), pour évoquer un gang de motards des années 1950, tout en faisant référence aux travaux d’un Kenneth Anger. La cinéaste trouve sa voie avec Aux frontières de l’aube, variation sur le thème du vampirisme. Ce film, également marqué par la contre-culture, regarde aussi du côté des Amants de la nuit de Nicholas Ray (1948).
Bigelow formalise son écriture et le regard qu’elle porte sur les États-Unis avec Blue Steel, à travers un cinéma dont le moteur est l’observation autant que l’action, et qui passe par la relecture de divers genres : le thriller, la science-fiction ou le film de guerre. Tandis que les théories qui encombraient ses premières réalisations se font moins présentes, elle montre une virtuosité technique de plus en plus performante.
Son cinéma se définit comme masculin dans ses enjeux, ses mythes et ses sujets. L’archétype en est Point Break (1991), où s’affrontent un agent du FBI et le chef d’un gang de braqueurs adepte du surf. Le policier, interprété par Keanu Reeves, est fasciné par l’homme qu’il doit neutraliser et par son mode de vie antisystème. Si, dans ce film, la femme tient un rôle secondaire, il en va différemment dans Blue Steel, StrangeDayset ZeroDarkThirty, qui offrent respectivement à Jamie Lee Curtis, Angela Bassett et Jessica Chastain des rôles de femmes fortes. La policière de Blue Steel est victime du magnétisme qu’elle exerce sur un déséquilibré qui la persécute et qu’elle neutralise. Tourné en 1995, Strange Days (sur un scénario de James Cameron) est un film cyberpunk, dont l’action se passe les 30 et 31 décembre 1999. Une femme de loi afro-américaine vient en aide à un ex-collègue, Lenny (Ralph Fiennes), qui vit d’un trafic de vidéos entièrement tournées en vision subjective (branchement sur cortex). Ce qui peut sembler un simple canevas de SF devient une déstabilisante critique sociale dans laquelle Bigelow retrouve ses marques contre-culturelles. Au sein du chaos suscité par l’approche du nouveau millénaire vient se glisser une course-poursuite échevelée provoquée par la circulation de la vidéo du meurtre d’un rappeur noir, abattu par deux policiers qui cherchent à la récupérer. Le film fait écho à l’affaire Rodney King, cet Afro-Américain passé à tabac par la police en mars 1991. Il est[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Média
Autres références
-
AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA
- Écrit par Raphaël BASSAN
- 6 876 mots
- 3 médias
Kathryn Bigelow anticipe la fin du millénaire (l’action se situe les 30 et 31 décembre 1999) dans son film cyberpunk Strange Days (1995). Angela Bassett y tient le rôle d’une policière afro-américaine qui tente d’échapper à deux policiers racistes qui ont abattu un chanteur de rap connu : le crime...