EVANS BILL (1929-1980)
Conversations with Myself
On peut, bien sûr, déceler des influences dans le jeu de Bill Evans, au premier rang desquelles celle de Bud Powell ; il se reconnaît lui-même fils de Nat King Cole pour le rythme et l'économie des moyens, de Dave Brubeck pour la souplesse du chant, d'Oscar Peterson pour la puissance du swing et d'Earl Hines pour l'architecture des improvisations. On pourrait citer encore Al Haig ou Ahmad Jamal, mais aussi Bach, Chopin, Debussy et Ravel. Rarement la musique « savante » aura été aussi présente dans le jazz. Ici, point de ces sirupeuses et contestables « adaptations », mais l'intime imprégnation de toute une culture. Il est vrai que d'aussi nombreuses paternités ne peuvent donner le jour qu'à un tempérament profondément original.
Bill Evans est un très grand technicien du piano. Son toucher à la fois velouté et incisif, hérité en droite ligne de la tradition classique, a été rarement égalé. Son habilité digitale et son imagination rythmique lui permettent d'étonnantes hardiesses dans la paraphrase.
Improvisateur souple et subtil, jamais il ne transige avec la pudeur et la concision. Chez lui, tout repose sur le dialogue incessant des deux mains, avec une main gauche « ambulante » – selon le système « Charleston », développé notamment par Ahmad Jamal – soumise au phrasé de la main droite. Bill Evans utilise également les blocs d'accords, popularisés par Erroll Garner et Milt Buckner, avec parfois une grande violence, mais toujours avec un lyrisme très personnel.
Il procède peu par succession d'accords et préfère, comme Miles Davis, exploiter toutes les possibilités des modes musicaux. Le compositeur Bill Evans nous offre des thèmes infiniment mélodiques, parés de multiples changements de couleurs harmoniques. Bref, par petites touches, se brosse le portrait de l'un des plus grands maîtres du piano jazz, tant pour la perfection formelle que pour la sensibilité poétique. Faut-il préciser que le monde libertaire du free jazz lui reste fondamentalement étranger ? Peut-il en être autrement pour un homme qui affirme : « La liberté la plus valable est celle qui a de la force, un peu parce qu'elle est gagnée contre quelque chose de solide, quelque chose de rigide. »
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média