WILDER BILLY (1906-2002)
De Vienne à Berlin, et de Berlin à Hollywood en passant par Paris, Billy Wilder a traversé l'histoire du cinéma en laissant derrière lui l'image d'un amuseur intelligent et sarcastique : on se répète ses bons mots, on sait mieux grâce à lui que « personne n'est parfait », mais aussi que la comédie mérite vraiment d'être prise au sérieux. L'intelligence et le sarcasme peuvent cependant percer sous d'autres genres, dits sérieux (le drame, le « film noir »), que Billy Wilder fréquenta assidûment au début de sa carrière de cinéaste à Hollywood. Le réalisme serait donc une voie d'accès à la compréhension d'une œuvre riche et complexe qui, sans doute plus qu'aucune autre (si l'on excepte celle de Sacha Guitry) s'enracine dans l'écriture. Formé à l'école de la U.F.A. à Berlin au début du cinéma parlant, Wilder est un cinéaste qui a su rester un scénariste. D'aucuns semblent le lui reprocher. Ils oublient un peu vite que le scénariste est vite devenu un grand cinéaste, explorant à sa guise formes et genres en restant lui-même et réunissant les deux définitions de l'auteur de films : l'athlète complet qui filme (et produit) ce qu'il a écrit, mais aussi le metteur en scène, au style immédiatement identifiable, non pas selon des critères visuels mais par la reconnaissance de thèmes et de formes (la répétition, l'inversion) qui font du satiriste un véritable artiste.
De Vienne à Hollywood
Né en 1906 dans une petite ville de Galicie – ce qui fera dire à son maître et ami Ernst Lubitsch qu'il n'était pas un Juif de Vienne mais de Cracovie –, Samuel « Billie » Wilder, sujet de François-Joseph, est éduqué dans la capitale des Habsbourg. Quand il croisera bien plus tard son autre maître, Eric von Stroheim (auquel il confiera le rôle du maréchal Rommel dans Les Cinq Secrets du désert et celui de Max von Mayerling dans Sunset Boulevard), il deviendra l'un de ses proches en comprenant d'emblée que l'acteur était un aristocrate d'opérette et parlait l'allemand si caractéristique des faubourgs juifs de Vienne, là précisément où il avait grandi. Par une sorte de prescience, sa mère, en amoureuse des États-Unis, avait imposé à sa naissance un second prénom « yankee » qui se révéla fort utile une trentaine d'années plus tard.
Délaissant à la fois les études et le commerce familial de restauration, le jeune Samuel Wilder devient journaliste, se fait éconduire du domicile de Sigmund Freud après une tentative avortée d'interview, et va bientôt tenter sa chance à Berlin, véritable épicentre du monde germanique à la fin des années 1920. Si l'esprit satirique de Karl Kraus, dont il écouta certaines conférences, plane sur mainte comédie de Wilder, le futur cinéaste doit cependant moins à Vienne qu'à Berlin. Car c'est à Babelsberg et dans les autres studios de la U.F.A., auprès des producteurs Erich Pommer et Joe May, qu'il apprit son premier vrai métier, celui de scénariste. Il avait alors pour collègues de futurs grands noms de l'écriture de cinéma : Kurt Siodmak (le frère de Robert), Emerich Pressburger (qui connaîtra la gloire en Angleterre avec Michael Powell) et Walter Reisch (qu'il retrouvera à Hollywood). Après plusieurs dizaines de scripts non crédités, Wilder connaît le succès avec une adaptation très réussie du célèbre roman pour enfants d'Erich Kästner, Émile et les détectives (1931). Entre-temps, et pour se délasser des productions en série du studio, il participe à l'aventure des Hommes le dimanche (1929) où, avec Edgar Ulmer, les frères Siodmak, l'opérateur Eugen Schüfftan et le jeune assistant Fred Zinnermann, il signe en utilisant des acteurs non professionnels une fiction documentaire qui passe à juste titre pour le grand[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc CERISUELO : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée
Classification
Média
Autres références
-
CERTAINS L'AIMENT CHAUD, film de Billy Wilder
- Écrit par Michel MARIE
- 1 047 mots
- 1 média
Certains l'aiment chaud (Some Like it Hot) est un sommet de la comédie américaine parodique, construite sur le thème du travestissement. C'est la seconde collaboration entre Billy Wilder et Marilyn Monroe, devenue le sex-symbol du cinéma hollywoodien des années 1950, dans les dernières...
-
COMÉDIE AMÉRICAINE, cinéma
- Écrit par Joël MAGNY
- 5 126 mots
- 18 médias
La personnalité la plus marquante de la période 1950-1970 estBilly Wilder, qui fait rire en 1953 avec une comédie située dans un stalag (Stalag 17). Quoique formé à l'école viennoise, Wilder se rapproche de la touch comedy, appelant « un chat un chat » et proposant une cruelle description... -
LEE CHRISTOPHER (1922-2015)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 486 mots
- 1 média
L’acteur britannique Christopher Lee excella à inspirer la peur par sa seule présence dans des rôles de méchant emblématique allant du vampire – comme le comte Dracula, dans Le Cauchemar de Dracula (Horror of Dracula, 1958) et ses suites – au sorcier Saroumane dans les adaptations cinématographiques...
-
LEMMON JACK (1925-2001)
- Écrit par N.T. BINH
- 873 mots
- 1 média
Né à Boston, Jack Lemmon est engagé dans la marine à la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout en poursuivant ses études à Harvard, où il découvre l'art dramatique. Pendant une dizaine d'années, il fait son apprentissage dans les tournées théâtrales, le music-hall, puis la télévision. Dès son premier...
-
TRAUNER ALEXANDRE (1906-1993)
- Écrit par Claude BEYLIE
- 617 mots
Né à Budapest en 1906, dans une famille de commerçants juifs, Alexandre Trauner se destinait à la peinture et s'était déjà acquis une solide réputation dans les milieux artistiques hongrois quand il dut fuir le régime fasciste de Horthy. La rencontre, à Paris, du décorateur de cinéma Lazare Meerson,...