BIODIVERSITÉ URBAINE
Les caractéristiques des espèces anthropophiles
Les études consacrées aux plantes et/ou aux animaux dans la ville sont relativement récentes puisque les plus anciennes datent du début du xxe siècle. Les premiers inventaires ont concerné les végétaux, puis ce sont les oiseaux qui ont fait l'objet d'observations et d'analyses. Ce n'est qu'à partir des années 1980 que d'autres groupes animaux ont commencé à être inventoriés puis étudiés écologiquement. C'est le cas des papillons, des chauves-souris ou des carabes (coléoptères essentiellement carnivores). Mais il n'y a, par exemple, toujours pas de travaux sur les gastéropodes en ville.
On recense les espèces présentes dans les villes puis on les compare à celles qui vivent dans les campagnes proches. Pour chaque groupe étudié, on tente de comprendre pourquoi certaines espèces ont pu s'adapter au milieu urbain. Chez les plantes, les traits les plus généralement notés sont des capacités reproductrices accrues, comme la production de petites graines facilement disséminées de la campagne vers la ville, une reproduction rapide ou la tolérance à des perturbations comme le piétinement. Il a également été mis en évidence l'interrelation entre une nitrification du sol urbain par les pollutions atmosphériques et la présence des espèces végétales les plus nitrophiles. Les oiseaux présents en ville sont plutôt des espèces généralistes capables d'exploiter une large gamme de ressources. Mais les espèces nichant au sol sont moins nombreuses.
Les relations entre la composition des peuplements animaux et l'organisation du tissu urbain ont aussi été analysées le long des gradients d'urbanisation. D'une manière générale, le nombre d'espèces décroît au fur et à mesure que l'on rentre dans la ville. Les espèces volantes (oiseaux, papillons...), qui arrivent à s'affranchir des obstacles que constituent les bâtiments, sont les plus nombreuses. La ville est ainsi capable d'accueillir une avifaune riche même en son cœur si les espaces de végétation offrent suffisamment de ressources. En revanche, le nombre d'espèces de mammifères diminue très rapidement dès l'entrée dans le tissu urbain. La qualité de l'habitat ne suffit pas pour que ces animaux terrestres puissent s'installer, il faut également qu'ils puissent atteindre cette zone, ce qui remet en cause la structure même du tissu urbain.
On illustre donc ici différents niveaux d'organisation écologique, comme le niveau local avec ses ressources disponibles ou le niveau du paysage avec ses contraintes pour le déplacement des espèces (fig. 1). Mais les espèces elles-mêmes sont capables d'adaptation et peuvent répondre aux caractéristiques de l'écosystème urbain. Ainsi, le faucon crécerelle qui, en campagne, chasse ses proies (essentiellement des micro-mammifères) en vol stationnaire (vol dit du Saint-Esprit), mange plutôt des moineaux en ville qu'il capture en modifiant sa technique de chasse, c'est-à-dire en utilisant plus souvent l'observation depuis un perchoir. Le changement de comportement de ce rapace lui a permis de nicher jusqu'au cœur de la plupart des capitales européennes. Les goélands et les renards se sont mis aux ordures ménagères et les hérissons aux croquettes pour chien... Des adaptations aux contraintes de déplacement ont aussi été observées. Par exemple, le renard possède en ville un plus petit territoire qui est aussi moins stable dans le temps. Le pissenlit, qui a colonisé les villes avec ses petites graines, va plutôt émettre de grosses graines lorsqu'il vit au pied des arbres d'un boulevard, afin d'assurer sa pérennité.
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Écrit par
- Philippe CLERGEAU : professeur au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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