BIOGÉOGRAPHIE
Notion de stratégie climatique
Les descriptions qui précèdent nous mettent en présence des principales pièces de la mosaïque mondiale à petite échelle. Ce sont ces unités-là qu'on utiliserait pour cartographier au 5/1 000 000. Il importe toutefois de situer ces classes de formation les unes par rapport aux autres afin de saisir leur dynamisme. Sachant que la distribution actuelle ne s'est pas nécessairement imposée depuis très longtemps dans l'histoire de la planète, on peut se demander quelles substitutions, expansions et régressions ont produit (et pourront encore produire) les changements de climat : on étudiera ainsi la stratégie climatique.
Une carte de la végétation du monde montre bien jusqu'à quel point ces vingt classes de formation sont inégalement réparties. Elle montre encore plus les contacts qu'elles subissent et qui régissent leurs influences réciproques.
La figure 4 résume cette situation en les plaçant dans un triangle climatique. La pointe du haut à droite représente le maximum de chaleur et de précipitations constantes qui permet l'épanouissement de la forêt ombrophile tropicale. Si l'on reconnaît à cette végétation, comme le faisait Warming, un caractère de climax mondial, on peut se représenter les formations voisines comme dérivées. En effet, c'est probablement la forêt ombrophile tropicale qui, au cours des temps géologiques, a connu la plus longue durée puisque les climats modérés à faible variation thermique et à précipitations abondantes en tout temps semblent avoir prévalu.
Ce sont les périodes révolutionnaires (surrections orogéniques, assèchements et/ou refroidissements continentaux, fortes pulsations de la température) qui ont interrompu ce cycle que les géologues appellent normal.
La figure 5 bis fait voir le schéma des divers régimes de climat. Le régime modéré est particulièrement en évidence aux plus basses latitudes ; car même si les pluies surabondantes réduisent l'amplitude thermique, celle-ci est beaucoup plus accusée à 30 ou 450 qu'à l'équateur. Le régime tropical humide et sec s'écarte de la « norme » par une période sèche de plus en plus longue, compensée ou non par des pluies qui peuvent excéder celles du climat modéré : c'est la savanisation. Si, d'autre part, le polygone tout entier s'incline vers la gauche (les mois les plus secs étant également les plus froids), c'est la moussonisation qui l'emporte. Si, au contraire, le polygone se déprime à droite, indiquant des précipitations d'hiver, c'est la méditerranisation. Finalement, les climats à forte amplitude thermique ont des polygones dressés : c'est la continentalisation, qui fonctionne dans le registre tropical (mais alors toujours sec), dans le registre polaire (et là aussi toujours à faibles précipitations) ou dans le registre tempéré (mais là, parfois très humide).
L'orientation et la forme du polygone indiquent donc le régime climatique. À celui-ci correspondent des régimes pédogéniques et des régimes de végétation. La latérisation atteint son plein développement avec la savanisation ; la podzolisation est sous le contrôle d'un climat continental humide et froid ; la calcification est en réponse à un climat continental, tempéré et subhumide ou à saison sèche ; la salinisation se rattache à un extrême réchauffement et à de faibles précipitations, cependant que la gleyfication domine les régions les plus froides. Ces tendances à la formation de divers sols ne sont pas partout mutuellement exclusives, et, tout comme les régimes climatiques, elles sont plus ou moins prononcées.
Revenant donc à la disposition des classes de formations, on constate que la savanisation, selon son intensité, se traduit par une diminution de la couverture arborescente (parc tropical, savane tropicale), une diminution[...]
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Écrit par
- Pierre DANSEREAU : professeur émérite à l'université du Québec, Montréal
- Daniel GOUJET : professeur au Muséum national d'histoire naturelle
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