BIOLOGIE La biologie moléculaire
Première période : des règles communes à tous les êtres vivants
L'ADN, support matériel de l'hérédité
Dès le début du xxe siècle, la génétique formelle (cf. génétique) a établi que les gènes, en tant qu'entités définissant des caractères phénotypiques, sont disposés linéairement le long des chromosomes. L'ordre fixe des gènes les uns par rapport aux autres permet d'établir une cartographie du patrimoine génétique caractérisant chaque espèce.
Quel est le lien entre un gène et un caractère ? La réponse est donnée entre 1935 et 1942 aux États-Unis, dans le laboratoire de Morgan, par Edward Tatum, George Beadle et Boris Ephrussi. Le gène du caractère « œil sombre » de la drosophile spécifie une protéine, une enzyme de la synthèse d'un pigment, et cette enzyme est inactive chez les sujets porteurs de la mutation « œil rouge ». On voit ici l'importance de la biochimie du métabolisme dans l'interprétation d'un résultat de génétique. Cette interprétation de la relation entre gène et caractère est prouvée chez Neurospora, dont les voies métaboliques sont plus accessibles. Un gène spécifie donc une protéine, et la protéine induit le caractère, la particularité phénotypique.
Quelle est la nature chimique d'un gène, sachant qu'un chromosome est un complexe de protéines et d'acides nucléiques ? La réponse est venue du monde bactérien. Les pneumocoques virulents sont entourés d'une capsule polysaccharidique qui est absente chez les pneumocoques non virulents. Fred Griffiths avait montré en 1928 qu'un « principe » extrait des formes virulentes transforme les pneumocoques inoffensifs en formes virulentes. Oswald Avery, Colin Mac Leod et Maclyn McCarthy découvrent, en 1944, que ce « principe transformant » est très probablement de l'ADN (cf. adn). La démonstration formelle est donnée en 1952 quand Alfred Hershey et Martha Chase montrent que l'ADN du bactériophage et lui seul suffit à la multiplication de ce virus dans une bactérie. L'ADN est donc le support matériel de l'hérédité virale, notion bientôt généralisée à tous les autres organismes (à l'exception de quelques autres virus dont l'hérédité est assurée par des molécules d'ARN).
La double hélice de l'ADN
En raison des caractéristiques associées au support matériel de l'hérédité, l'ADN doit être en même temps capable de coder l'information génétique et de se répliquer à l'identique lors des divisions cellulaires. Or l'ADN est une longue fibre issue de l'enchaînement de milliers ou de milliards des quatre bases nucléotidiques, l'adénine (A), la thymine (T), la cytosine (C) et la guanine (G). Cet enchaînement produit une séquence (...AATCGATG...) dont la monotonie paraissait peu compatible avec le codage d'une multiplicité de protéines. Cependant, Erwin Chargaff montre en 1950 qu'il y a autant de A que de T, de C que de G dans toute molécule d'ADN, ce qui est l'indice d'une structure binaire. Le rapport AT/CG varie d'une espèce à une autre, ce qui suggère des différences caractéristiques. La structure dans l'espace de l'ADN est obtenue grâce à une technique physique familière aux cristallographes et étendue depuis peu aux protéines par Linus Pauling, la diffraction des rayons X. En 1953, Maurice Wilkins, James Watson et Francis Crick décrivent cette structure, devenue « emblématique » de la biologie moléculaire, la double hélice de l'ADN, déduite des clichés de Rosalind Franklin publiés dans le même numéro de Nature. Si l'on assimile la molécule d'ADN à une colonne, les bases nucléotidiques sont empilées les unes sur les autres et séparées de 0,34 nm. Elles sont disposées en deux chaînes (structure bicaténaire dans laquelle un A d'une chaîne fait face à[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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