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BIOMÉTRIE

Introduit dans le vocabulaire scientifique vers la fin du xixe siècle, le mot « biométrie » (d'abord en anglais : biometry ou biometrics) est parfois employé abusivement, surtout par des auteurs américains, comme synonyme de statistique, alors que cette dernière n'est, pour le biométricien, qu'un instrument de travail. Dans l'usage correct, la biométrie désigne la science des variations biologiques, des phénomènes qui s'y rattachent et des problèmes qui en découlent. Depuis le début du xxie siècle, le mot « biométrie » est aussi utilisé dans le sens, plus restrictif, d'ensemble des techniques permettant l'identification des personnes à l'aide de caractéristiques biologiques telles que les empreintes digitales, l'image de l'iris des yeux, les traits du visage, etc., ce qui pose des questions de bioéthique.bioéthique.

La position classique en science consiste à négliger la plupart des variations, voire à les confondre avec les erreurs expérimentales. Le biométricien, au contraire, constate que les variations sont une caractéristique universelle de la vie dont la méconnaissance entraîne souvent des erreurs.

Il importe de distinguer les diverses formes de variation observables chez les êtres vivants et, en particulier, dans l'espèce humaine : les intervariations, ou différences entre les individus, et les intravariations, qui traduisent l'instabilité des individus dans le temps. Plus importantes à certains égards, ces dernières peuvent atteindre, pour certains caractères physiologiques et biochimiques, une amplitude considérable.

D'autres variations intéressent le biométricien, par exemple celles qui affectent les catégories biologiques — races, sexes, classes d'âge — ou sociales, tels les groupes professionnels. Il tiendra compte enfin, s'il y a lieu, des changements « séculaires » ou « diachroniques » qui se produisent dans les générations successives.

On a cru autrefois que les variations quantitatives, comme celles de la stature ou du rythme cardiaque, dépendaient des seules influences extérieures. On sait, maintenant, que les intervariations de certains caractères relèvent partiellement de l'hérédité ; leur étude intéresse la biométrie génétique. Par exemple, l'héritabilité de la taille est considérable, celle du poids nettement moins forte, celle du taux de cholestérol plus importante que celle de l'hémoglobine ou du glucose sanguin.

Il va de soi que les caractères à héritage faible sont davantage influençables par les conditions de vie. Mais ce problème reste d'autant plus difficile que tous les individus ne sont pas également modifiables et que tous les milieux n'ont pas le même pouvoir modificateur.

Les intravariations posent un problème encore plus difficile. Chez un individu, tous les caractères biologiques ou biochimiques ne varient pas au même degré. Un individu n'est donc pas globalement plus stable — ou plus fluctuant — qu'un autre. Il le sera seulement pour certains caractères. D'autre part, les fluctuations d'un caractère donné n'étant pas les mêmes chez tous, il existe une « intervariation des intravariations ».

Il apparaît cependant que, pour les caractères qui ont pu être ainsi étudiés, les intravariations ne sont pas totalement anarchiques : un individu oscille autour de sa moyenne, selon une marge qui lui est particulière. Cela risque de poser parfois de difficiles problèmes pratiques. Jugé suivant les normes établies sur une population, un individu pourrait apparaître « normal », alors qu'il se trouve, en réalité, hors de sa zone personnelle de normalité.

La biométrie révèle donc la complexité extrême des situations, heurtant parfois les idées admises en physiologie. Ses résultats apparaissent notamment incompatibles avec la notion d'homéostasie[...]

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Écrit par

  • : directeur du laboratoire physique de biométrie humaine du C.N.R.S., professeur à l'Institut de démographie de l'université de Paris

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