BĪRŪNĪ (973-1050)
Un esprit encyclopédique
Bīrūnī a mené des recherches dans presque toutes les disciplines connues de son temps, l'alchimie exceptée. On lui doit le meilleur exposé sur le système des chiffres indiens ; il a corrigé plusieurs tables astronomiques et développé des vues originales, fondées sur des observations scrupuleuses. Il s'est occupé de météorologie, de cartographie (particulièrement par un système de projection stéréographique simplifiée de son invention), d'arpentage ; il a déterminé scientifiquement la qibla (orientation vers La Mecque pour la prière) en différents lieux de la Terre. S'il s'est livré à des mesures et à des descriptions astronomiques, il a exercé son esprit critique sur l'astrologie judiciaire. Appliquant des méthodes scientifiques à la géographie et à la physique, il en vient à voir dans la vallée de l'Indus un ancien bassin marin. La physiologie des plantes, la relation entre les espèces, la disposition et le nombre des pièces florales ont compté parmi ses préoccupations, et il s'est même intéressé au dessalement de l'eau de mer. Mais, à la différence d'Avicenne, il ne s'intéresse pas personnellement et directement à la médecine.
En historien des civilisations, il a fixé, pour chaque peuple connu, un calendrier et cherché à déterminer les règles qui permettraient de parler pour eux d'un passage d'une ère à une autre. Il a relevé les coutumes, les croyances religieuses ou superstitieuses, selon une méthode qu'il expose au début de sa Chronologie : elle consiste à mener des enquêtes objectives sans rien déduire a priori et à bien distinguer la réalité des faits sociaux et humains de l'interprétation plus ou moins mensongère que les peuples intéressés en donnent eux-mêmes.
Dans son livre sur l'Inde, il apparaît comme un historien de la philosophie et comme un adepte de l'étude comparative des religions, confrontant surtout les pensées hindouiste, grecque, musulmane (soufisme), chrétienne ou juive. D'un mot, il est fort en avance sur son temps. Il a eu, en effet, l'idée que le langage humain, imprégné de toutes sortes de valeurs subjectives liées aux diverses mentalités, et souvent porteur de croyances irrationnelles et mythiques, ne répond pas aux exigences de l'expression scientifique. Seul y est approprié le langage mathématique, qui offre une absolue précision, car il est tel que chaque signifiant a un signifié et un seul, et que chaque signifié est désigné par un signifiant et un seul. Ce langage garantit donc une parfaite précision objective. On comprend que Bīrūnī ait été séduit par l'introduction de l'Almageste, dont le titre grec est Syntaxis mathematikè (construction mathématique). Ptolémée y démontre que les études astronomiques doivent se fonder sur les représentations mathématiques, et non sur la physique, à l'inverse de ce qu'avait fait Aristote. Sur ce point, Bīrūnī, dans son Qānūn Mas‘ūdī, se montre encore plus exigeant que son maître alexandrin. Son petit traité sur les Fondements de la science astronomique, sorte de manuel, part de considérations géométriques et arithmétiques. Il définit les êtres géométriques à partir du corps, ramené aux trois dimensions, c'est-à-dire du corps mathématique, à la différence d'Avicenne, qui considérait le corps physique et le définissait par la « corporéité » (djismiyya). Et, à la différence d'Euclide, qui commençait par la définition du point comme « ce dont il n'y a pas de partie », il introduit la surface comme la limite du corps, la ligne comme la limite de la surface, le point comme la limite de la ligne.
Notons enfin que, pour Bīrūnī, tout ce qui est ou apparaît a une cause réelle, que la science peut découvrir, au moins par des hypothèses rationnelles. C'est ainsi qu'il examine[...]
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Écrit par
- Roger ARNALDEZ : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
-
ISLAM (La civilisation islamique) - Les mathématiques et les autres sciences
- Écrit par Georges C. ANAWATI , Encyclopædia Universalis et Roshdi RASHED
- 22 273 mots
- 2 médias
...domaine des mesures, al-Khāzinī, vers 1100, se référant aux travaux des Anciens (Archimède, Aristote, Euclide, Ménélas, Pappus) et surtout à ceux de Bīrūnī en vue de déterminer le poids spécifique, donna dans son ouvrage Balance de la sagesse (Mīzān al-ḥikma) une théorie détaillée de la balance...