BISSON LOUIS AUGUSTE (1814-1876) et AUGUSTE ROSALIE (1826-1900)
Louis Auguste Bisson réagit très rapidement quand il prend connaissance de l'invention du daguerréotype (1838). Jeune architecte au service municipal de Paris, très intéressé par la chimie, il se tourne aussitôt vers la photographie. Daguerre l'aurait peut-être formé lui-même. Son père, Louis François Bisson (1795-1865), petit fonctionnaire au ministère de l'Intérieur et peintre héraldiste à ses heures perdues, démissionne de son poste pour partager l'aventure. Dès 1841, ils installent un atelier et demeurent associés jusqu'en 1847. Ils réalisent quelques portraits, dont celui de Balzac, ainsi que des daguerréotypes d'un ensemble de crânes collectés dans les îles du Pacifique par Pierre Marie Alexandre Dumontier (1797-1871) au cours d'une expédition menée par Dumont d'Urville. Louis Auguste met au point quelques judicieuses améliorations techniques, qui lui permettent notamment de réduire le temps de pose. En 1848, il réalise la Galerie des représentants du peuple – neuf cents portraits des députés de l'Assemblée nationale de la IIe République. La même année, son frère cadet, Auguste Rosalie, ouvre son propre atelier. Trois ans plus tard, les deux frères s'associent et s'installent rue Garancière, à Paris. Désormais, ils auront une signature commune : « Bisson Frères ». L'entreprise, qui associe photographie et imprimerie, est florissante et emploie une trentaine d'ouvriers. Portraits, reproductions d'œuvres d'art et documentation scientifique sont les travaux courants, mais c'est dans deux autres domaines, l'architecture et la montagne, que vont faire preuve d'audace et d'originalité ces pionniers qui ne se considèrent pas comme de simples artisans et qui déposent consciencieusement des exemplaires de leurs épreuves à la Bibliothèque nationale.
Selon une tendance qui se fait jour d'un grand intérêt pour l'image documentaire, ils entreprennent un inventaire photographique du patrimoine architectural européen. Cela au moment où la Mission héliographique, une entreprise de mise en images du patrimoine monumental de la France créée à l'initiative de Prosper Mérimée, donne un coup de fouet à la photographie d'architecture. De voyage en voyage, ils s'éloignent de Paris, parcourent la France, atteignent la Belgique, l'Allemagne et l'Italie, réalisant des centaines de planches qu'ils éditent eux-mêmes. Ils s'intéressent d'abord aux monuments anciens, mais ils ne négligent pas quelques exemples des travaux publics de leur temps. Mais le soin avec lequel ils prennent leurs vues fait d'eux (et ils en sont conscients) des auteurs originaux, fondateurs d'un style à la fois rigoureux et sensible, toujours respectueux du sujet, mais composant habilement avec la lumière dans des cadrages d'une grande rigueur. Le point de vue frontal, la précision de la mise au point et le goût des lumières incidentes caractérisent une œuvre dont la qualité est récompensée par une exposition dans un lieu prestigieux : l'Académie des sciences où, en 1839, Arago avait annoncé officiellement l'invention de la daguerréotypie.
Dans un même esprit, ils photographient la montagne. Leur vision artistique est encore plus nette dans un genre alors en plein essor, la photographie de paysages. Devant l'immensité des cimes enneigées et des glaciers des Alpes, ils font preuve de la même précision documentaire, tout en laissant libre cours à leur émotion : c'est un véritable sentiment de la nature qui s'exprime ainsi, dans le dernier éclat de la sensibilité romantique. Leur sens aigu de la lumière est particulièrement à l'aise devant les étendues de blancheur miroitante.
Avec Daniel Dollfuss-Ausset, leur voisin fortuné de la rue Garancière qui les a entraînés dans cette aventure montagnarde,[...]
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Écrit par
- Gilles PLAZY : critique d'art
Classification
Autres références
-
PHOTOGRAPHIE - Histoire des procédés photographiques
- Écrit par Jean-Paul GANDOLFO
- 7 284 mots
- 3 médias
...permis à des opérateurs habiles et téméraires de réaliser des images dans des contrées éloignées avec les moyens de déplacement rudimentaires de l'époque. Les expéditions des frères Auguste Rosalie (1826-1900) et Louis Auguste (1814-1876) Bisson au sommet du mont Blanc (1861 et 1862), destinées à illustrer...