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BJØRNSON BJØRNSTJERNE (1832-1910)

Pour l'admirateur d'Ibsen, de Knut Hamsun ou de Sigrid Undset, il peut paraître étonnant que les Norvégiens, aujourd'hui encore, tiennent Bjørnson pour le plus grand de leurs écrivains. C'est qu'il a incarné, mieux que tout autre, le grand « réveil » des lettres de son pays, tout en jouant un rôle éminent et en appelant ses compatriotes à prendre conscience de leur personnalité nationale. Cet idéaliste demeure l'incarnation d'une Norvège enfin affranchie de toute tutelle.

Un hymne à la Norvège

Son père était pasteur et fermier à Kvikne, au sud de Trondheim. Bjørnson fait de bonnes études et, passionné par la politique, débute dans le journalisme. Il s'impose tout de suite avec un roman paysan, Synnøve Solbakken (1857), où il exalte le petit peuple de son pays dans un style neuf, débarrassé de tout romantisme et très proche des contes populaires, qui lui permet de lancer le thème de toute son œuvre : restons fidèles aux forces naturelles qui veillent en nous, tendons « à la vérité plus qu'à la beauté ». La même année, grâce à un concours de circonstances, il succède à Ibsen à la direction du théâtre de Bergen, où il fait jouer Entre les combats (1857), pièce sur le célèbre roi Sverre (xiie s.). Bjørnson a décidé de faire revivre l'histoire norvégienne en s'inspirant des sagas : « Il faudrait réédifier la vie de notre peuple sur notre histoire, les paysans devraient en être la base. » De là découlent les grands courants de toute son imposante production. Ce libéral cherche à capter les forces latentes qui firent la grandeur de la Norvège médiévale : aussi se lance-t-il ardemment dans la politique, notamment à la faveur de la désastreuse guerre du Danemark contre la Prusse (1864). Ce patriote entend exprimer le meilleur de son peuple : son désir d'évasion et d'indépendance (qui aboutira à la libération de la tutelle suédoise en 1905), sa fierté réfugiée trop longtemps dans un silence farouche, sa bonne volonté. Il développe ces idées dans d'autres récits paysans, comme Arne (1859) ou Un joyeux garçon (1860) dont on apprécie toujours le ton pittoresque et rude et l'optimisme déclaré, ou bien dans des drames tragiques, tel Hulda la boiteuse (1864) qui traite du conflit entre paganisme et christianisme, ou la trilogie Sigurd Slembe (1863). Écrit à la suite d'un séjour à Rome (1860-1862), ce chef-d'œuvre dépeint avec force le conflit entre ambition et jeunesse, ainsi que l'égoïsme des nantis, la brutalité des notables. Le tout restant dominé, dans une optique bien scandinave, par un destin cruel.

En 1865, Bjørnson devient directeur du théâtre de Christiania. L'actualité politique et sociale oriente de plus en plus son inspiration. Les Nouveaux Mariés (1865) est un drame qui critique les idéaux matrimoniaux de la bourgeoisie traditionnelle, tandis qu'un nouveau récit paysan, La Jeune Pêcheuse (1868) revient à l'exaltation de la nature des fjords et des fjells. Avec les poèmes d'Arnljot Gelline (1870), ouvrage d'un souffle puissant qui contient notamment l'actuel hymne national norvégien, Bjørnson chante la grandeur de son pays, qui fait aussi de lui le grand porte-parole de l'indépendance norvégienne et l'un des défenseurs les plus ardents du néo-norvégien (nynorsk) – recréé pour chasser de la langue les influences danoises – ainsi que du christianisme dont les valeurs morales lui paraissent coïncider avec l'âme de son peuple. Après deux nouvelles années passées à Rome (1873-1875), il fait jouer deux drames, Une faillite et Le Rédacteur (tous deux de 1875) qui marquent le début d'un réalisme appliqué à l'illustration des débats sociaux qui secouent son pays ; l'écrivain a d'ailleurs acheté, la même année, la ferme de Gausdal pour en faire un centre de discussions passionnées.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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