MONLUC BLAISE DE (1500 env.-1577)
Cinq batailles rangées, dix-sept assauts de forteresses, onze sièges, plus de deux cents escarmouches, sept arquebusades et bien d'autres blessures : tel est l'état des services de Monluc, et le sujet de son livre. Il ne parle que de ce dont il a été lui-même acteur ou témoin.
Monluc éclaire plusieurs aspects majeurs de la France sous les derniers Valois. Par exemple, il nous renseigne sur la mentalité de la noblesse pauvre, qui commence à se rendre compte que les plus hautes fortunes ne se font pas seulement sur le champ de bataille, mais aussi à la cour et dans l'administration royale. Il nous révèle que les grandes ambitions des princes et leurs rivalités expliquent les guerres de religion tout autant que les motifs proprement religieux, et il suggère comme remède la reprise des guerres étrangères.
De lui-même, il nous laisse une image sans doute flattée, mais qui ne manque pas d'intérêt.
De la grandeur militaire à la disgrâce
Blaise de Lasseran de Massencome, seigneur de Monluc, est né, près de Condom, d'une famille noble mais ruinée. Aîné de onze enfants, il entre comme page dans la maison du duc Antoine de Lorraine et embrasse la carrière des armes (il n'aura jamais aucune culture, malgré certaines lectures qu'il fait ou se fait faire ; il sait signer son nom, mais il n'est pas certain qu'il puisse écrire couramment). Il sert en Italie, au Pays basque et de nouveau en Italie ; fait prisonnier à Pavie (24 févr. 1525), il combat en Provence (1534-1536), en Artois (1537), en Catalogne (1542) ; en Piémont, il se signale à la victoire de Cérisoles (14 avr. 1544) et comme gouverneur de Moncalieri (1548). De juillet 1554 à avril 1555, Monluc dirige, en tant que lieutenant du roi, l'héroïque défense de Sienne, et il est fait chevalier de l'ordre de Saint-Michel. Il est mal en cour, gaffeur et colérique, mais sa valeur l'impose : lieutenant du roi à Montalcino (1556-1558), il joue un rôle décisif au siège de Thionville (juin 1558) comme colonel général des gens de pied.
Après le traité du Cateau-Cambrésis et la mort de son « bon maître » Henri II (1559), Monluc traverse une période d'incertitude et de désarroi. Il hésite entre le camp catholique et le camp réformé qui se préparent à la lutte (1561), et, s'étant engagé décidément du côté des catholiques et du roi, remporte deux victoires contre les réformés à Targon et à Vergt en 1562 ; il est nommé lieutenant général en Guyenne (juin 1565). Mais la cour ne tient pas compte de ses avertissements à la veille des seconds troubles (1567) ; il est démuni de troupes et de moyens financiers, et de surplus ne s'entend pas avec le maréchal Damville, fils de Montmorency, gouverneur du Languedoc. Monluc ne peut agir contre La Rochelle (mars 1568) et n'ose pas secourir son collègue M. de Terride contre l'attaque foudroyante de Montgomery (août 1569) ; de maigres succès, ou sans lendemain, comme la prise de Mont-de-Marsan (sept. 1569), la mise en défense d'Agen (à l'automne de la même année) ou l'invasion du Béarn ne suffisent pas à compenser ces échecs.
Cruellement blessé par une arquebusade à l'assaut de Rabastens (23 juill. 1570), Monluc apprend peu après que le roi l'a dépouillé de son commandement. Pis encore, une enquête est ouverte sur sa gestion financière en Guyenne, et il a lieu de s'inquiéter. En novembre 1570, il dicte une longue lettre au roi pour protester contre sa disgrâce et se défendre des accusations portées contre lui ; puis il se met, tout malade qu'il est, à composer à la hâte le récit de sa vie : c'est le premier jet de ses Commentaires, qui est rédigé en sept mois, entre novembre 1570 et juin 1571. Le duc d'Anjou (le futur Henri III), à qui Monluc en avait appelé, le blanchit de tout grief de concussion, et le roi lui envoie bientôt[...]
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Écrit par
- Robert GARAPON : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de lettres à l'université de Paris-Sorbonne
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