PASCAL BLAISE (1623-1662)
On a « tant imaginé et si passionnément considéré » Pascal, dit Valéry, qu'on en a fait un « personnage de tragédie », une « sorte de héros de la dépréciation totale et amère », de « Hamlet français et janséniste ». Les travaux des historiens modernes achèvent à peine aujourd'hui de corriger cette légende, née des polémiques religieuses des xviiie et xixe siècles.
Le génie de Pascal se caractérise par le refus de la spécialisation qui convient à l'« honnête homme ». Si Port-Royal le considère comme un maître en « véritable rhétorique », et la postérité comme l'un des fondateurs de la prose classique en France, son activité ne se limite pas aux lettres : remarquable géomètre et physicien, il est aussi philosophe, moraliste et théologien. Dans tous les domaines qu'il a abordés, il a su inventer et créer ; mais il s'est surtout montré capable d'établir entre eux des liens qui font de son œuvre l'une des plus puissantes synthèses de la pensée classique.
Outre cela, Pascal est homme d'action concrète. L'invention de la machine arithmétique et des carrosses à cinq sols témoigne de son esprit d'entreprise. Les Provinciales et les Pensées sont, chacun à sa manière, des ouvrages de circonstance, mais l'engagement y est guidé par un souci de la vérité essentielle qui dépasse les bornes des querelles religieuses du temps. Cependant, ce sont surtout son expérience religieuse et la réflexion morale des Pensées qui ont donné à Pascal sa place dans les grands débats philosophiques et spirituels ainsi que dans le développement des lettres en France.
L'œuvre scientifique de Pascal n'a pas l'étendue de celle de Galilée ou de Descartes. Ainsi, l'astronomie et l'optique n'y ont pas place. Et, même dans les deux seuls mais importants domaines dont il s'est occupé, la mécanique et la mathématique, Pascal n'a traité qu'un nombre limité de sujets, surtout en mécanique. Mais ces derniers étaient de grande portée et Pascal les a en grande part renouvelés non seulement par les résultats dont il les a enrichis, mais aussi par l'esprit dans lequel il les a envisagés.
Il ne faut pas cependant majorer l'originalité de Pascal. Une histoire des sciences encore assez commune lui attribue des découvertes qui, en fait, lui sont en grande part antérieures, ce qu'il a d'ailleurs toujours très honnêtement reconnu. Toutefois, les apports originaux qu'on lui doit sont assez nombreux et d'une suffisante qualité pour qu'on puisse le ranger parmi les plus grandes figures du passé de la science, d'autant que, là où il n'a pas fait preuve d'une véritable originalité, il a, par sa rigueur, sa clarté, son sens de l'essentiel, donné aux problèmes qu'il abordait une présentation qui en a beaucoup mieux fait comprendre l'intérêt et la portée. Pascal était d'ailleurs bien informé des travaux déjà réalisés dans les domaines dont il s'occupait et il a grandement bénéficié de ses contacts directs ou épistolaires, en particulier par l'intermédiaire de Mersenne, avec les principaux savants de son temps, notamment Descartes, Fermat, Roberval et Gassendi.
Si, dans ses travaux scientifiques, Pascal a fait preuve d'une exceptionnelle pénétration d'esprit, d'une finesse et d'une logique dans l'analyse tant des questions spéculatives que des faits, qui ne se rencontrent pas à un degré aussi élevé même chez de grands esprits tels que Galilée ou Descartes, cependant, à certains égards, il manque parfois de « profondeur ». C'est là sans doute la rançon de son souci de ne rien accepter qui ne puisse être formulé de façon parfaitement claire, et de sa défiance à l'égard des systèmes et des vastes synthèses. C'est ainsi qu'il n'a[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique DESCOTES : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres classiques, professeur de lettres à l'université de Clermont-Ferrand-II
- François RUSSO : ancien élève de l'École polytechnique, docteur en droit, conseiller à l'U.N.E.S.C.O.
Classification
Médias
Autres références
-
ESSAI POUR LES CONIQUES (B. Pascal)
- Écrit par Bernard PIRE
- 199 mots
- 1 média
Le premier écrit scientifique de Blaise Pascal (1623-1662) – Essai pour les coniques, composé avant qu'il ait atteint l'âge de dix-sept ans et publié à Paris en février 1640 – révèle aux savants de l'époque le génie précoce de son auteur. Adoptant la méthode proposée par Girard Desargues (1591-1661)...
-
MACHINE À CALCULER DE PASCAL
- Écrit par Pierre MOUNIER-KUHN
- 238 mots
Pour aider son père, receveur des impôts, à effectuer ses fastidieux calculs en réduisant le risque d'erreurs, Blaise Pascal (1623-1662) conçoit dès 1642 une machine à calculer, la première connue dans l'histoire. Le jeune inventeur utilise l'arithmétique et la technique des engrenages, savoirs...
-
LES PROVINCIALES, Blaise Pascal - Fiche de lecture
- Écrit par Christian BIET
- 1 419 mots
- 1 média
-
AIR
- Écrit par Jean PERROTEY
- 2 154 mots
- 2 médias
...représente le même poids que 10 mètres d'eau. Il lui faut donc admettre que ce poids est équilibré par la pression de l'air, ou pression atmosphérique. Pascal pense que, si cette explication est la bonne, la colonne de liquide doit être moins haute en altitude puisque l'épaisseur de la couche d'air y est... -
ANGOISSE EXISTENTIELLE
- Écrit par Jean BRUN
- 2 552 mots
- 1 média
...dépaysé, abandonné sans pouvoir dire, de façon précise, en fonction de quoi son abandon et son dépaysement sont vécus comme tels. D'où cet effroi que Pascal met dans la bouche du libertin : « Quand je considère la petite durée de ma vie absorbée par l'éternité précédant et suivant, le petit espace que... -
ANZIEU DIDIER (1923-1999)
- Écrit par Jacques SÉDAT
- 695 mots
Didier Anzieu est né le 8 juillet 1923 à Melun en Seine-et-Marne, où ses parents étaient employés des Postes et Télécommunications ; tous deux d'origine méridionale parlaient occitan lorsqu'ils ne voulaient pas être compris de leur fils unique. Sa mère Marguerite, née à la suite du décès d'une jeune...
-
APOLOGÉTIQUE
- Écrit par Bernard DUPUY
- 3 535 mots
Les Pensées de Pascal (1662) ont inauguré une voie nouvelle. Partant de la considération de l'homme, de ses besoins, de ses désirs, de ses échecs, des preuves « sensibles au cœur » plutôt que de celles qui convainquent l'esprit, Pascal a projeté sur la démarche de foi une vive lumière. Plutôt que... - Afficher les 45 références