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OTERO BLAS DE (1916-1979)

Poète espagnol né à Bilbao, Blas de Otero fut, avec Gabriel Celaya, le principal représentant de la poésie dite « sociale » dans les années de l'après-guerre civile, sous la dictature de Franco. La trajectoire poétique de Blas de Otero va de l'individualisme exaspéré à la communion avec les autres grands poètes espagnols contemporains : Antonio Machado, Federico García Lorca, Rafael Alberti, Miguel Hernández. Ses premiers écrits ont été reniés par leur auteur. Deux livres, Ángel fieramente humano, 1950 (Ange sauvagement humain) et Redoble de conciencia, 1951 (Rappel de conscience) sont le vrai départ d'une œuvre brève et dense. Ancia reprend, sous un titre de synthèse, ces deux ouvrages, en y ajoutant quelques poèmes. La langue est âpre, abrupte, violente. On y perçoit l'écho déchirant d'un Quevedo ou d'un Unamuno, et des réminiscences des psaumes bibliques. Une ironie amère traverse parfois ces cris désespérés. Une conscience assoiffée d'éternité et harcelée par le sentiment tragique de la vie clame sa hantise du néant et son appel à Dieu ; mais seul un silence écrasant répond à ces supplications. L'angoisse existentielle qui se traduit ici n'a pas le ton d'une plainte romantique ; c'est un martèlement implacable de mots saccadés et précis. La même soif d'absolu caractérise les poèmes d'amour. Le corps à corps amoureux se superpose ainsi à l'étreinte vaine d'une divinité toujours fuyante. Ces tourments où le sujet se perd dans sa déréliction font place, quelquefois, à une conscience plus attentive à la présence et à la souffrance d'autrui. Le regard se détourne peu à peu d'un Ciel implacablement vide et se pose avec fièvre sur la terre habitée. Cette orientation s'accuse dans la seconde étape de l'itinéraire poétique de Blas de Otero. Trois livres manifestent cette prise de conscience : Pido la paz y la palabra, 1955 (Je demande la paix et la parole) ; En castellano, 1959 (Parler clair) ; Que trata de España, 1964 (Qui traite de l'Espagne). En 1952, le poète s'était inscrit au Parti communiste espagnol. Sous le signe de la solidarité avec tous ceux qui souffrent et désespèrent sous le joug de la répression, le thème majeur de ces trois recueils est désormais l'Espagne de la dictature.

Le poète se jette à corps perdu dans sa vocation de porte-parole d'un peuple opprimé afin de délivrer la voix étouffée, le visage « pur et terrible » d'un pays blessé. En castellano poursuit, de façon plus explicite, ce combat pour la liberté et la justice. La langue poétique devient de plus en plus laconique, acérée, mais sans obscurité. Il s'agit désormais — à l'opposé d'un Juan Ramón Jiménez voué « à la minorité, toujours » — d'atteindre « l'immense majorité ». Dans Que trata de España, plusieurs poèmes chantent les paysages, les rivières, les villes d'Espagne, ou bien quelques grandes figures invitant à la communion fraternelle : Cervantes, Unamuno, Antonio Machado. Poésie sociale, ainsi a-t-on qualifié ce lyrisme qui prend en compte la réalité des hommes et leur combat. Les derniers recueils de Blas de Otero — Hojas de Madrid, 1968 (Feuilles de Madrid), Mientras, 1970 (Cependant), Historias fingidas y verdaderas, 1970 (Histoires feintes et véritables) — témoignent d'un certain retour à des thèmes plus personnels. Le poète ne se déprend pas néanmoins de la collectivité dont il se réclame. Ses derniers livres montrent surtout une évolution sensible vers une libération ou une révolution de la forme : rythmes plus amples, métrique plus souple, images neuves, mots insolites, retour à un certain hermétisme. Blas de Otero avait su gagner l'audience du public auquel il aspirait : « l'immense majorité » pour qui ce poète de fureur et de feu a dit son espérance.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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