GAUCHES BLOC DES (1899-1906)
Le terme de Bloc des gauches désigne la coalition des modérés, des radicaux et des socialistes qui gouverne la France de juin 1899 à janvier 1906 sous le signe de l'anticléricalisme. L'arrivée au pouvoir de cette formation politique ne doit rien aux élections de 1898 favorables à la droite, mais est le contrecoup de l'affaire Dreyfus à la suite du changement d'attitude des républicains modérés qui, inquiets de l'agressivité de l'agitation nationaliste, se résolvent à rompre avec la politique conservatrice de Méline pour s'allier à gauche avec les radicaux et les socialistes. Ainsi se forme la nouvelle majorité qui suit le ministère Waldeck-Rousseau de 1899 à 1902 et qui, renforcée par le résultat des élections de 1902, soutient les ministères dirigés par le radical Combes de 1902 à 1905 et par le modéré Rouvier de janvier 1905 à février 1906. Les premières mesures prises par le gouvernement Waldeck-Rousseau cherchent à clore l'affaire Dreyfus, à mettre fin à l'agitation nationaliste et à réintroduire la discipline dans l'armée, reprise en main par Galliffet, tandis que Millerand, premier socialiste à entrer dans un gouvernement, réalise avec l'aide de Fontaine des réformes sociales de caractère limité. Mais le ministère n'entend pas aller plus loin dans cette voie, si bien que l'union de la majorité ne peut se faire que dans l'action anticléricale. Les congrégations religieuses qui s'étaient signalées par leur ardeur dans la crise nationaliste sont ainsi frappées par la loi sur les associations, que Waldeck-Rousseau est décidé par ailleurs à appliquer dans un esprit modéré.
Émile Combes, qui lui succéda au lendemain des élections de 1902, prend la responsabilité d'aggraver la politique anticléricale et il entreprend la lutte contre les congrégations en usant de procédés de contrainte. Après avoir appliqué de façon draconienne la loi sur les associations en refusant en bloc les demandes d'autorisation déposées par les congrégations, il en vient même à leur ôter le droit d'enseigner en 1904, mais il doit se retirer en janvier 1905. Sans doute n'a-t-il pas voulu la séparation des Églises et de l'État, mais la situation qu'il a créée par ses mesures sévères la rend inévitable, et les incidents diplomatiques qui surgissent alors entre la France et le Vatican accélèrent un processus qui trouve son achèvement sous le ministère Rouvier. La loi de séparation votée le 9 décembre 1905 a pourtant été conçue par Aristide Briand dans un esprit très libéral. Mais toutes les tentatives de conciliation se heurtent à l'intransigeance du pape Pie X ; celui-ci refuse tous les compromis et ne fait rien pour atténuer une loi qui lui permet pourtant d'établir définitivement l'autorité du Saint-Siège sur l'Église de France. Les dissensions au sein de la majorité provoquent la dissolution du Bloc des gauches. Les socialistes, lassés des exigences de la discipline républicaine, s'alarment de l'immobilisme gouvernemental devant les revendications ouvrières et ils soupçonnent l'anticléricalisme d'être un alibi commode pour refuser les réformes sociales. La création du parti socialiste unifié S.F.I.O. (Section française de l'Internationale ouvrière) au lendemain du Congrès d'Amsterdam en 1904 porte un coup décisif à la majorité gouvernementale, tandis que les radicaux, ayant fait appliquer l'essentiel de leur programme, adoptent une attitude conservatrice devant l'aggravation des conflits sociaux à partir de 1905. La place prépondérante prise par les problèmes de politique extérieure achève de ruiner le Bloc des gauches, qui se disloque après 1906 sous le ministère Clemenceau. La période du Bloc est demeurée un moment privilégié où les partis de gauche ont pu accéder au pouvoir grâce à leur unité et elle demeure essentiellement marquée par la réalisation du programme[...]
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Écrit par
- Henri LERNER : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-XII
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