BLOG

Le blog comme conversation

Dans ses divers usages, le blog apparaît moins comme un outil de publication que de communication, permettant de trouver des semblables. En effet, lorsqu'un blog n'est pas commenté, son auteur se décourage et le blog meurt alors très vite. Mais, plus encore, selon ce que l'on montre de soi en public, les relations sociales qui se forgent à travers Internet empruntent des chemins très différents. Lorsque, de façon anonyme, un blogueur raconte ses tourments intimes, il entrera en relation avec une population d'inconnus, qu'il ne rencontrera sans doute jamais « IRL » (in real life, « dans la vie réelle », comme disent les internautes), et avec laquelle il entretiendra des liens, parfois d'une rare intensité, où s'échangeront des confidences souvent cachées aux plus proches. En revanche, lorsque, comme sur Skyblog, on raconte, photos à l'appui, sa vie la plus quotidienne, ses sorties, son chez soi et sa famille, c'est en fait avec le réseau des proches amis que l'on poursuit sur Internet des échanges qui ont lieu dans la vie réelle. Ici, les inconnus du Web n'ont plus leur place. Lorsque le blog sert de support pour montrer une compétence particulière, littéraire, graphique, sportive, etc., le réseau relationnel qui se constitue autour de lui permet de s'inscrire dans des communautés de pairs en recrutant à distance des personnes qui partagent le même goût ou la même passion. Enfin, lorsque le blog est utilisé pour produire des jugements sur les affaires publiques, le réseau qui se constitue autour de lui se forme par recherche de proximité d'opinion pour entretenir le type de sociabilité propre à l'espace public, celle de la discussion, de la polémique et de l'échange d'arguments. Dans ces divers contextes, ce sont quatre formes différentes de mise en relation qui prennent forme sur Internet : le confessionnal virtuel, la sociabilité amicale, la communauté de pairs ou le groupe d'opinions.

La production de contenu par les utilisateurs eux-mêmes leur offre en quelque sorte un moyen original de « piloter » la manière dont ils tissent des relations de nature différente sur la toile. C'est là sans doute la dimension la plus individualisante de ces nouveaux usages d'Internet. L'individu n'y est pas seulement sommé de faire preuve de singularité en affirmant « sa petite différence », mais il doit aussi contrôler et gérer lui-même la manière dont il constitue les différents réseaux relationnels avec lesquels il échange. À cet égard, les usages du Web contribuent clairement à renforcer cette dimension réflexive et « stratégique » chez les individus qui sont amenés à produire différentes facettes identitaires selon le réseau social avec lequel ils échangent – les inconnus, les amis, les pairs –, au risque parfois de véritables clivages identitaires. Autant dire que si le Web relationnel apparaît bien ainsi comme un outil particulièrement performant pour élargir sa sociabilité avec de nouveaux contacts tout en enrichissant ses relations avec les proches, il crée aussi des formes nouvelles de complexité relationnelle. Et, là comme ailleurs, ce sont ceux qui disposent de capacités d'adaptation, de réflexivité et d'opportunisme relationnel qui sont capables de tirer le plus de profit de ce nouvel espace d'Internet.