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Blogosphère citoyenne et démarche citoyenne

Les transformations récentes d'Internet entraînées par les blogs, les outils de publication de contenu comme le logiciel libre SPIP ou les sites d'écriture coopérative comme les wikis, ont rendu possible la multiplication d'initiatives individuelles ou collectives visant à produire de l'information alternative, une veille critique du travail des journalistes et une contre-expertise sur un ensemble élargi de thématiques. La caractéristique de beaucoup de ces publications numériques est de ne pas être prise en charge par une structure militante organisée, mais d'être le produit d'initiatives « citoyennes » individuelles. Le développement de cette « rébellion » d'Internet suscite de nombreuses interrogations relatives aux effets de concurrence qu'exerce la blogosphère à l'égard des formes traditionnelles des médias dans l'espace public. En France, cette question est notamment apparue lors de la campagne du référendum du 29 mai 2005, concernant le traité établissant une Constitution européenne, qui a vu une intense mobilisation se développer sur le Web en faveur du non, alors que les journalistes et éditorialistes français se déclaraient majoritairement en faveur du oui. Un vent de contestation et de critique a parcouru le Web à travers les blogs dénonçant le traitement du référendum dans les grands médias et notamment sur l'antenne de France Inter. Le site personnel d'Étienne Chouard fut le symbole de cette fronde des internautes. Professeur d'informatique à Marseille, celui-ci a développé et nourri un texte argumentaire en faveur du non et en a débattu de façon interactive avec des milliers d'internautes. Son texte a été plusieurs fois modifié en fonction des réponses et des critiques qui lui étaient faites. Repris par les sites d'A.T.T.A.C. et de rezo.net, l'argumentaire d'Étienne Chouard a intensément circulé sur le net et alimenté de nombreux débats sur les blogs. De façon quelque peu différente, l'Internet des citoyens ordinaires a aussi montré son rôle lors des émeutes dans les banlieues françaises à l'automne de 2005 et de très nombreux blogs personnels ou locaux traitent aujourd'hui de questions politiques.

Sans doute faut-il se méfier de l'engouement actuel pour l'idée d'une révolution démocratique portée par un Internet citoyen et activiste. Après l'avoir souvent ignorée, beaucoup, sans plus de mesure, lui prêtent aujourd'hui des vertus qui risquent fort d'être illusoires. Dans un mouvement de balancier caractéristique des périodes de transition technologique, les nouveaux médias se voient brusquement dotés de pouvoirs exorbitants capables de lever les difficultés du présent : abstentionnisme, anémie du débat public, faiblesse des engagements partisans, investissement réduit dans l'action citoyenne, illisibilité des décisions publiques, etc. Si ces espoirs sont sans doute excessifs, il est vrai cependant que l'on assiste à une multiplication d'initiatives « citoyennes » sur le Web valorisant des contenus informationnels qui ne sont pas pris en charge par l'espace public traditionnel. Blogs féministes, sites de critique des médias, réseaux de blogs contre-experts traitant des questions environnementales, blogs de citoyens à vocation locale qui pratiquent une dénonciation informée de la politique municipale, etc.

Ces mobilisations citoyennes ayant Internet pour support entretiennent une étroite correspondance avec les idéaux de démocratie directe. Elles ne sont pas prises en charge par des structures organisées, mais par des individus ou des groupes d'individus s'exprimant en leur nom et se servant d'Internet comme d'une caisse de résonance pour diffuser leurs opinions sans passer par les critères de sélection des agences de presse[...]