BLUES, en bref
Né du contact entre les différentes musiques des esclaves noirs du sud des États-Unis d'Amérique dans la seconde moitié du xixe siècle et la culture occidentale, le blues va exercer une influence majeure sur de nombreux courants musicaux du xxe siècle. Il est caractérisé par une structure de douze mesures comportant trois phrases de quatre mesures.
Au xviiie siècle, les négriers jettent sur les côtes américaines des centaines de milliers d'esclaves africains, que l'on envoie récolter le coton dans les grandes plantations du Sud. Loin de chez eux, désespérés, ceux-ci se réunissent le soir, jouent de la guitare, du violon, chantent. Le blues est né. Mais il faudra attendre 1912 pour qu'un jeune étudiant en musique noir, William Christopher Handy (1873-1958), publie le premier blues écrit et structuré harmoniquement, Memphis Blues.
Handy va coucher sur papier les airs entendus pendant son enfance, surtout dans le delta du Mississippi, où le blues prend sa source, non loin des anciennes plantations. Cette région, liée de près au drame noir, donne un style de blues assez primaire, rugueux, proche de l'incantation africaine, que l'on appelle tout simplement le Delta blues. Ses artistes les plus célèbres deviennent des légendes : Charley Patton (1887-1934), Son House (1902-1988) ou Robert Johnson (1911-1938), l'auteur de Sweet Home Chicago, qui prétendra avoir vendu son âme au diable en échange du talent et mourra empoisonné. Buveurs, joueurs, bagarreurs, souvent emprisonnés pour vol ou meurtre, ces marginaux ensemencent le pays de leur musique écorchée sans se douter qu'elle va révolutionner le monde.
À côté du Delta blues émerge le « blues classique », plus féminin et proche du vaudeville. Né lui aussi dans le Sud, il se répand à travers les minstrels, ces caravanes qui sillonnent les États-Unis en s'arrêtant dans les bourgades. Ces shows itinérants présentent des acrobates, des montreurs de serpents et souvent un chanteur de blues. La mythique Bessie Smith (1898 ?-1937) battra ainsi la campagne avant d'investir les théâtres prestigieux et ces villes bruyantes où règne, dans les tripots, le boogie-woogie, fils dévoyé du ragtime, blues de huit mesures joué au piano rapidement et fort car il fallait se faire entendre parmi le bruit.
Le krach boursier de 1929 entraîne une intensification de l'émigration noire du Sud vers les territoires industriels du Nord, en particulier vers Chicago, où la plupart des artistes s'installent. Le blues devient urbain, violent, s'électrifie (la guitare électrique est inventée en 1931).
Après la Seconde Guerre mondiale, concurrencé par la musique noire de danse appelée rhythm and blues, le blues connaît une période difficile mais résiste, grâce en particulier à Muddy Waters (1915-1983), dont l'orchestre de Chicago est une véritable école. Le blues affine sa structure autour d'un trinôme (batterie, harmonica et guitare) et tente de survivre. Boudé aux États-Unis, il émigre en Europe, en Grande-Bretagne au début des années 1960. De ce « british boom blues », qui féconde une musique britannique en perte de vitesse, vont sortir de grands musiciens (John Mayall, Eric Clapton, les Rolling Stones...).
Pendant la décennie suivante, les maîtres anciens de la note bleue sont invités partout. On leur rend hommage. Le blues travaille alors sur la nostalgie et le passé mais continue de susciter des vocations puis repart de plus belle quand le guitariste Stevie Ray Vaughan est nominé aux prestigieux Grammy Awards en 1985. On le dit alors éternel.
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Écrit par
- Stéphane KŒCHLIN : écrivain, journaliste
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