BOCAGE MANUEL MARIA BARBOSA DU (1765-1805)
Poète portugais, « la plus étrange, mais peut-être la plus originale des créatures poétiques de Dieu », selon William Beckford, l'auteur de Vathek, qui avait lu les poèmes de Manuel Maria Barbosa du Bocage et le connaissait personnellement.
Le plus grand écrivain lusitanien de son siècle, maître inégalé du sonnet, il demeure, jusqu'à nos jours, le seul poète de son pays qui ait tenté l'expérience, dangereuse entre toutes, de la liberté totale.
Brève et turbulente carrière
Né à Setúbal d'une famille bourgeoise, dix ans après le tremblement de terre qui détruisit une grande partie de Lisbonne, Bocage était un parent éloigné de la poétesse française Mme Bocage, auteur de La Colombiade. Il reçut aux Indes le grade de lieutenant d'infanterie, mais il déserta, gagna la Chine avec un ami, s'attarda à Canton, puis s'établit à Macao. Le gouverneur de cette enclave portugaise le protégea et facilita son retour au Portugal. À Lisbonne, Bocage fut admis (1791) à l'académie des poètes qui se réunissait chez le comte de Pombeiro et s'intitulait la Nouvelle Arcadie. Le premier volume de ses Rimes parut cette même année. Expulsé en 1794 des salons du comte, il trouva dans les cafés un public plus sincère. Ses nouveaux poèmes, souvent immoraux, impies ou subversifs, firent le tour de la ville. Pour échapper à la prison, il se cacha sur un bateau en partance pour Bahia, mais il y fut arrêté. La police civile le garda quatre mois au secret (1797), puis le livra à l'Inquisition. Quelques mois plus tard il devait être définitivement libéré, mais ne cessa désormais d'être surveillé. Il prépara l'édition du tome III de Rimes (paru en 1804). Les signes d'une maladie incurable lui firent alors pressentir que sa fin était proche. Bocage continua à écrire, alité, dans l'appartement minuscule qu'il habitait avec une de ses sœurs. Le propriétaire du café Nicola, où il avait été si applaudi, ne cessa de le protéger, se chargeant de l'édition et de la vente des poèmes qu'il écrivait pour subsister : Impromptus de Bocage, faits pendant sa très dangereuse maladie, et dédiés à ses bons amis (23 pages à peine) ; Collection des nouveaux impromptus de Bocage, faits pendant sa maladie, augmentée des compositions qui lui furent adressées par plusieurs poètes nationaux (100 pages, en comptant celles desdits poètes nationaux). La « très dangereuse maladie » vint à bout de Bocage, quatre jours avant Noël, l'année même où paraissaient ces poignantes plaquettes (1805). Son œuvre, inédite ou éparse, a fourni matière à quatre volumes posthumes.
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Écrit par
- António COIMBRA MARTINS : directeur adjoint de la fondation Gulbenkian, Paris
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