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BODHISATTVA

Bodhisattva, époque Heian, Japon - crédits :  Bridgeman Images

Bodhisattva, époque Heian, Japon

Le terme sanskrit bodhisattva désigne des êtres (sattva), humains ou divins, qui ont atteint l'état d'éveil (bodhi). Ils devraient donc porter logiquement le nom de buddha (« éveillé ») et être à jamais libérés des contingences existentielles. Le bouddhisme cependant, spécialement sous sa forme du « Grand Chemin » (Mahāyāna), enseigne que certains buddhas suspendent, par compassion pour leurs semblables, leur entrée dans le nirvāṇa et veillent sur les hommes à la façon des anges gardiens. Ces « êtres d'éveil » sont donc, si l'on peut dire, des « buddhas en sursis » dont l'action bienfaisante se fait sentir dans le monde spirituel. À l'inverse, le bouddhisme du « Petit Chemin » (Hīnayāna, ou Theravāda) rejette la notion de bodhisattva et professe que le sage (arhant) qui est parvenu à l'éveil devient automatiquement un buddha. Cette controverse a fait penser que le Mahāyāna avait altéré la doctrine proprement bouddhique en y introduisant des éléments hindous : les bodhisattvas ne jouent-ils pas en effet un rôle comparable à celui des dieux brahmaniques ou de leur avatars ? On observera cependant que le canon en pāli, langue dans laquelle sont rédigés les textes les plus importants du Hīnayāna, n'ignore pas le concept de bodhisattva. Quoi qu'il en soit, il est certain que celui-ci n'a cessé de s'enrichir dans le bouddhisme du Mahāyāna et qu'il a pris une grande extension dans les formes tibétaines et chinoises, donc aussi japonaises, de ce mouvement. Le bouddhisme tantrique enfin est allé jusqu'à doter ces personnages d'une shakti (śakti) c'est-à-dire d'une « puissance » personnifiée sous la forme d'une femme avec laquelle le bodhisattva s'unit. À ce stade de développement, le bouddhisme ressemble effectivement beaucoup au brahmanisme et il fut souvent « récupéré » par celui-ci ; ce fut le cas, par exemple, au Bengale et en Assam, où les bouddhistes se fondirent dans la masse hindoue à partir du xe siècle. Parmi les plus importants bodhisattvas, qui firent l'objet d'un culte constant dans le bouddhisme du Nord (Mahāyāna), on peut citer Amitābha (« Lumière immortelle »), Avalokiteśvara (« le Seigneur qui surveille »), Vaīrocana (« Celui qui diffuse la lumière »), Mañjuśrī (« le Sage »). Les fidèles leur adressent des prières et attendent d'eux des grâces précises : ainsi, Mañjuśrī développe l'intelligence et donne la connaissance, Amitābha sauve de l'enfer. Enfin, les bouddhistes du Mahāyāna, semblables en cela aux hindous, attendent la venue d'un dernier bodhisattva ; de même que Kalkin viendra, selon la tradition brahmanique, accomplir un tri et séparer les justes des méchants à la fin du cycle cosmique, le bodhisattva Maītreya descendra du Ciel, où il attend son heure, pour sauver ceux qui méritent de l'être.

Avalokitesvara, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Avalokitesvara, E. Haas

Bodhisattva Maitreya, art du Gandara - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Bodhisattva Maitreya, art du Gandara

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

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Médias

Bodhisattva, époque Heian, Japon - crédits :  Bridgeman Images

Bodhisattva, époque Heian, Japon

Avalokitesvara, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Avalokitesvara, E. Haas

Bodhisattva Maitreya, art du Gandara - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Bodhisattva Maitreya, art du Gandara

Autres références

  • ARHAT ou ARHANT

    • Écrit par
    • 308 mots

    Le terme arhat ou arhant (de la racine arh, mériter), que l'on peut traduire par « saint », désigne dans le bouddhisme ancien le stade le plus élevé dans la progression religieuse pour les adeptes du Petit Véhicule, stade qui fait suite aux étapes de srotaāpanna, de sakrdāgāmin et d'anāgāmin....

  • AVALOKITEŚVARA

    • Écrit par
    • 672 mots
    • 1 média

    Le mot « Avalokiteśvara » vient du sanskrit ava, de haut en bas ; lokita, racine lok, voir, regarder ; īśvara, seigneur, maître, donc « Seigneur qui regarde d'en haut », sous-entendu « avec commisération » ; il est appelé aussi Lokeśvara (loka, monde visible, īśvara). La...

  • BODHI ou ÉVEIL, bouddhisme

    • Écrit par
    • 368 mots

    Terme essentiel au bouddhisme, traduit assez souvent et à tort par « illumination », bodhi signifie « éveil ». Il existe plusieurs sortes de bodhi, la plus parfaite étant celle des buddha, des Éveillés. Pour les shrâvaka et les pratyekabuddha, la bodhi se limite à faire cette constatation...

  • BOUDDHISME (Histoire) - Littératures et écoles bouddhiques

    • Écrit par
    • 5 970 mots
    ...au contraire, d'une longueur démesurée. Tous ont en commun d'être des sermons du Buddha traitant des deux thèmes majeurs du Mahāyāna : la carrière des bodhisattva, « êtres [qui se destinent à] l'Éveil » en portant à sa perfection (pāramitā) la pratique de toutes les vertus, et singulièrement...
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