BODY ART
L' expression body art réunit des artistes qui travaillent ou on travaillé avec le langage du corps afin de mieux interroger les déterminismes collectifs, le poids des rituels sociaux ou encore les codes d'une morale familiale et religieuse. À partir de gestes et d'attitudes s'est ainsi constituée une histoire complexe, qui s'inscrit dans l'esthétique de la dématérialisation de l'œuvre d'art propre aux années 1960. Durant la période fondatrice, comprise entre le début des années 1960 et la fin des années 1970, le corps apparaît fréquemment comme le vecteur de la contrainte et de la rébellion. Les expériences exécutées directement sur lui expriment, tantôt avec humour, tantôt avec gravité, les remises en cause des idées préconçues sur nos manières d'être.
Le body art n'a cependant pas été une esthétique au sens exact du terme, comme en témoignent les différentes expressions utilisées par les artistes pour qualifier leur projet : happening, performance, action, cérémonie, event. Tout en revendiquant le corps comme élément d'un énoncé performatif, chaque artiste a réévalué les relations traditionnelles avec le spectateur selon des modalités susceptibles ou non d'intégrer d'autres disciplines : musique, danse, vidéo, poésie concrète, théâtre...
L'action contre l'œuvre
L'origine de cette situation réside peut-être dans l'enseignement du musicien John Cage au Black Mountain College, en Caroline du Nord. Dès 1952, il y organise simultanément des lectures de poésie, des concerts de musique, des conférences, des exercices de peinture et de danse (concerted actions). En 1959, Allan Kaprow en développe la forme dans des actions collectives, qualifiées tout d'abord d'environnements, sortes de projections spatiales du principe du collage, accueillant des gestes picturaux, des objets et des improvisations d'une grande liberté existentielle. « L'espace de l'environnement est celui de la vie, de la rue, de la ville, de la nature », écrira Pierre Restany. Rapidement, Allan Kaprow s'inscrit à contre-courant de la ligne assembliste retenue par le pop art, et choisit l'action contre l'œuvre, affirmant simultanément la dimension éphémère du happening, dont il va devenir, par la rigueur de sa pensée, le théoricien-praticien.
Les années 1960 sont ainsi marquées par des manifestations hybrides, au croisement de diverses disciplines, dont certaines peuvent apparaître comme la préfiguration d'un art du corps. Ainsi, de 1962 à 1965, l'artiste Robert Morris, très souvent associé à l'art minimal en raison de ses sculptures composées de formes géométriques, réalise la chorégraphie de six spectacles qui introduisent dans la danse la souplesse de la performance. Au cours des soirées organisées par George Maciunas à New York, en 1961, les events, qui incluent autant la poésie, la musique-action que le théâtre, jettent les bases des objectifs de Fluxus : il s'agit de réaliser des actes étrangers aux conventions de l'œuvre d'art, de promulguer la circonstance fortuite, d'agir sur le front de l'aléatoire avec pour stratégie l'insertion de la liberté créatrice dans le contexte de la vie quotidienne. Bientôt réunis autour du concept élaboré par Fluxus, des artistes de tous horizons géographiques, tels que Nam June Paik, George Brecht, Yoko Ono, Dick Higgins, Charlotte Moorman, La Monte Young, Robert Filliou, Ben ou Henry Flynt, adhèrent aux thèses du non-art, en mesurent l'efficacité perturbatrice et annoncent des positionnements qui seront partiellement ceux de l'art conceptuel et du body art. Sculptures vivantes, action musicale et art vidéo interviennent dans différentes performances de l'époque. Ce qui aboutit notamment, en 1965, à la célèbre action de Charlotte Moorman[...]
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Écrit par
- Anne TRONCHE : critique d'art, commissaire d'expositions
Classification
Média
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