BOGOMILES
Expansion en Asie et en Europe
L'écrivain byzantin Michel Psellos, dans son traité sur « l'action des démons », et le moine Euthyme de Péribletes fournissent de précieux renseignements sur le développement des communautés bogomiles en Thrace et en Asie Mineure. Répandus dans l'Empire byzantin, les bogomiles subissent de sanglantes répressions. Le grand prédicateur Vasili périt sur le bûcher. En s'intensifiant dans l'Empire byzantin, la propagande bogomile va atteindre de nouveaux adeptes. Ce ne seront plus les paysans bulgares, mais les citoyens des grandes villes byzantines. Aussi le mouvement cesse-t-il d'être antiféodal dans un pays où la vie est facile et le commerce florissant. À Constantinople, des membres du haut clergé, conquis par un rituel simplifié, adoptent la doctrine dite « hérétique » et des monastères eux-mêmes y adhèrent.
La pensée bogomile progresse. Dès la fin du xiie siècle, elle gagne la Serbie, et, comme jadis en Bulgarie, ses adeptes font leurs les revendications antiféodales des populations. Le traité de Cosmas contre les bogomiles dénonce les propos des prédicateurs et les attitudes des fidèles qui s'opposent non seulement au pouvoir temporel de l'Église, mais aux personnalités de la hiérarchie religieuse et laïque. Les synodes, suivis de persécutions, n'arriveront pas à détruire la doctrine « hérétique ». Dans les pays où se propage le mouvement, les mécontents de tous ordres adoptent volontiers une doctrine qui toujours attaque les détenteurs du pouvoir.
Mis à part les particularités qui s'expliquent par les systèmes politiques et économiques des pays où ils se propagent, les structures propres au mouvement bogomile restent assez indifférenciées. Leurs communautés évoquent les groupes chrétiens des premiers siècles que nous décrivent les Actes des Apôtres et les Épîtres de Paul. On y relève toujours une ferveur et un sens de la prière communautaire, une humilité qui s'affirme dans des confessions réciproques. Les « auditeurs » deviennent des « croyants » et ces derniers sont appelés « parfaits » quand ils ont donné les preuves de leur rigueur et de leur sagesse. Les différents groupes bogomiles, unis par des liens étroits, se soutiennent mutuellement. La vie des adeptes est très difficile, il leur faut, en raison des persécutions, mener une existence secrète. Seule l'Église Patarine, en Bosnie, jouira d'une liberté toute relative. Quand l'hérésie se propagea en Europe : en Russie, en Italie du Nord, dans le sud de la France, les problèmes soulevés par les bogomiles seront plus complexes ; ils manifestent une opposition toujours dirigée contre l'Église.
Le mouvement bogomile balkanique a-t-il marqué de son empreinte les divers mouvements gnostiques de l'Europe médiévale ? Le souci d'un retour à la source primitive du christianisme, le rejet d'une Église possédante, et qui par là même risque d'oublier sa mission, provoquent un mouvement d'idées et un comportement identiques. On peut donc parler au plus d'influence réciproque. Jamais la gnose n'a été entièrement détruite et il a souvent suffi d'une occasion pour la faire resurgir.
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Écrit par
- Marie-Madeleine DAVY : maître de recherche au C.N.R.S.
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