HRABAL BOHUMIL (1914-1997)
Figure majeure de la littérature tchèque du xxe siècle, Bohumil Hrabal est né à Brno, le 28 mars 1914. En 1920, la famille déménage à Nymburk, à l'est de Prague, où son père adoptif devient directeur de la brasserie locale. Bien que docteur en droit, il ne pratiquera jamais un métier en rapport avec sa formation de juriste : de 1939 à 1963, quand il commence à vivre uniquement de sa plume, il exerce « mille métiers » qui lui fournissent la matière de ses œuvres. Pendant tout ce temps, Bohumil Hrabal ne cesse d'écrire sans espoir de se voir publié, en raison de la situation politique du pays. Aussi ne se présente-t-il au public qu'en 1963, à la faveur d'une relative libéralisation du régime tchécoslovaque, avec Perlička na dně (Perle au fond de l'eau, 1963). Suivent très rapidement d'autres recueils de récits et des nouvelles, qui, tous, attirent l'attention des critiques : Pábitelé (Les Palabreurs, 1964), Taneční hodiny pro starší a pokročilé (Cours de danse pour adultes et élèves avancés, 1964), Ostře sledované vlaky (Trains étroitement surveillés, 1965), Inzerát na dům, ve kterém už nechci bydlet (Vends maison où je ne veux plus vivre, 1965), Morytáty a legendy (Histoires et légendes à faire frémir, 1968).
En 1970, Bohumil Hrabal est encore une fois interdit de publication, et ce n'est qu'après son « autocritique », au début de 1975, que ses livres reparaissent, au prix de mutilations parfois importantes. Cette période d'interdiction sera pourtant très féconde dans sa carrière. Entre 1970 et 1975, il écrit ses œuvres les plus importantes, dont la « trilogie de Nymburk » – (Postřižiny, La Chevelure sacrifiée, 1976 ; Krasosmutnění, Beau-deuil, 1979, et Harlekýnovy milióny, Les Millions d'Arlequin, 1981) –, où il évoque son enfance, sa ville « natale » et surtout des êtres aimés : ses parents et son oncle paternel, Pépine, vétéran de la Grande Guerre. Il publie aussi Něžný barbar (Tendre Barbare, 1981), dédié à son ami disparu, Vladimír Boudník, le roman Obsluhoval jsem anglického krále (Moi qui ai servi le roi d'Angleterre, 1980), où il brosse – à travers l'ascension sociale d'un petit groom, devenu tour à tour propriétaire de l'hôtel où il travaille, collaborateur sous les Allemands, puis prisonnier d'un camp de rééducation pour millionnaires sous les communistes – le destin de la Tchécoslovaquie depuis les années 1930 jusqu'aux années 1950, ainsi que la version définitive du roman Příliš hlučná samota (Une trop bruyante solitude, 1980), dénonciation féroce de la destruction des valeurs de l'humanité par les totalitarismes du xxe siècle. Bohumil Hrabal écrit aussi les trois volumes de son roman « autobiographique », reliés entre eux par la narratrice, qui est sa femme (Proluky, Terrains vagues, 1986 ; Svatby v domě, Les Noces dans la maison, 1987, et Vita nuova, 1987). Tous ces titres ont d'abord été publiés en samizdatou à l'étranger, avant d'être accessibles en Tchécoslovaquie dans une version parfois édulcorée.
Après la chute du régime communiste, Bohumil Hrabal change complètement de registre, mêlant la réflexion philosophique et le reportage journalistique sur des sujets d'actualité (L'Ouragan de novembre, Lettres à Doubenka, etc.).
Les protagonistes des récits de Bohumil Hrabal – souvent des personnages en marge de la société – n'existent que parce qu'ils parlent. Seule manière de se défendre contre une existence qui les broie, leurs palabres génèrent un feu d'artifice d'images burlesques et poétiques, dont le tournoiement donne un rythme intérieur au récit. Leur imagination et leurs rêves leur permettent de se relever, comme les héros des films de Charlot, et de découvrir finalement cette « petite perle », enfouie au fond de chaque être humain. Ainsi[...]
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Écrit par
- Milan BURDA : maître de conférences de tchèque à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne, chargé de cours de littérature tchèque à l'Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
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