SOUDSKÝ BOHUMIL (1922-1976)
Bohumil Soudský, mort à Paris en 1976, fut l'un des préhistoriens les plus novateurs de sa génération. Il fut aussi, dans une période de spécialisation croissante, l'un des derniers à posséder une culture autant historique, linguistique ou philosophique qu'archéologique. Une mort prématurée, mais aussi une certaine éthique scientifique expliquent que Soudský a laissé peu de travaux de synthèse ; il faut suivre la progression de son œuvre au travers d'articles dispersés, parfois difficiles d'accès et toujours d'une grande concision. Il était passionné d'enseignement, et les étudiants qui suivirent ses cours, tant à Prague qu'à Sarrebruck puis à Paris, en restent marqués. Car sa personnalité, intransigeante dans l'amitié comme dans la recherche scientifique, son insatiable curiosité intellectuelle, sa culture et sa sensibilité artistiques, son humour permanent sont des qualités qui ne s'oublient pas. Bohumil Soudský est né à Pilsen en Bohême. Son père, qui était membre du Parti socialiste tchèque, le parti de Beneš, dirigeait une coopérative appartenant au parti. La formation intellectuelle de Bohumil Soudský fut très complète, puisqu'il étudia, à l'institut théologique de Prague, l'hébreu, l'accadien et l'archéologie biblique ; à l'université de Prague, où il suivit les cours du grand linguiste et déchiffreur du hittite, B. Hrozný, la préhistoire et l'assyriologie ; à l'université de Paris, les langues sémitiques et l'archéologie orientale.
Rentré en Tchécoslovaquie en 1948, il occupa successivement les fonctions d'assistant à l'institut de préhistoire de l'université de Prague, puis celles de vice-directeur du musée de Prague, où il eut également la responsabilité de nombreuses fouilles de sauvetage ; enfin, il entra à l'Institut archéologique tchèque en 1957. C'est dans ce cadre qu'il effectua la majeure partie de son œuvre, dont la principale reste la fouille du site néolithique de Bylany, systématiquement étudié sur près de sept hectares, à ce jour l'une des plus grandes surfaces de fouille préhistorique jamais découverte en Europe. Il sera, pendant ce temps, chargé de cours à l'université de Prague, ainsi que, en 1969, à celle de Sarrebruck. En 1971, il accepte, comme professeur associé, la chaire de protohistoire de l'université de Paris – la première en France à être consacrée essentiellement au Néolithique –, où il fonde peu après le Centre de recherches protohistoriques ; il est chargé en même temps de la direction d'un laboratoire du C.N.R.S., l'U.R.A. (unité de recherche archéologique) no 12, consacrée au « premier peuplement sédentaire de l'Europe », et assure à ce titre, à partir de 1973, la responsabilité scientifique principale du vaste programme de sauvetage archéologique de la vallée de l'Aisne, où il applique les méthodes de fouilles extensives mises au point à Bylany.
Par sa formation, sa carrière et par la diversité de ses intérêts scientifiques, il lui a donc été donné, ce qui est peu fréquent, de couvrir le spectre entier des recherches archéologiques. On lui doit d'importantes innovations, et parfois des bouleversements : il réorganise le musée de Prague et réalise une exposition permanente consacrée à Bylany au musée de Kutna Hora ; il adopte une technique de fouilles extensives mécanisées (à propos desquelles il développe la notion de « stratégie de fouille » ; il fabrique des règles qui permettent de déterminer pour un site donné la nature et le nombre de points de fouille nécessaires à l'étude d'ensemble, ce qui permet de résoudre le problème fondamental de la représentativité statistique de la fouille) ; il est l'un des premiers à utiliser l'informatique en archéologie ; il renouvelle les connaissances traditionnelles par[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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