BOLCHEVISME
Impérialisme et révolution
La Première Guerre mondiale, considérée comme impérialiste et combattue sans équivoque par les bolcheviks, leur permit d'élargir leur champ d'action et de réflexion. L'action se situa dans le domaine des réalités politiques : il fallait remplacer la IIe Internationale, qu'ils considéraient comme morte, par de nouveaux regroupements internationaux issus des convulsions de la guerre. Dès novembre 1914, l'idée d'une troisième Internationale est lancée : ses contours étaient encore vagues, mais ses buts précis. « La tâche de la IIIe Internationale consiste à organiser les forces du prolétariat en vue de l'assaut révolutionnaire à donner aux gouvernements capitalistes, en vue de la guerre civile contre la bourgeoisie de tous les pays pour la conquête du pouvoir et la victoire du socialisme. » Dès lors, les bolcheviks rompent délibérément avec l'Internationale traditionnelle. Ils prennent pour cible les partisans de cette dernière, qualifiés de centristes, qui, Kautsky en tête, préparent une issue pacifiste à la guerre et la reconstruction de la IIe Internationale. Estimant celle-ci « faite pour le temps de la paix, mais pas pour celui de la guerre », ils prennent l'initiative de regrouper sur cette plate-forme toutes les forces et toutes les fractions socialistes européennes adversaires de l'« union sacrée ». En septembre 1915 se tient, à Zimmerwald, en Suisse, la première conférence des socialistes internationalistes qui tentent de concerter leur action. Les bolcheviks y participent. Ils sortent de l'isolement sans gagner en audience. Sur trente voix, Lénine n'en obtient que sept. Pourtant, les bolcheviks chercheront à comptabiliser ce demi-échec à leur actif. « Le succès de notre tendance est indubitable, écrira Lénine... Les ouvriers russes qui, dans leur écrasante majorité, nous ont suivis depuis 1912-1914 verront maintenant que notre tactique a été approuvée par une conférence internationale et que nos principes fondamentaux sont adoptés par un nombre toujours croissant de partisans et par les meilleurs éléments de l'Internationale prolétarienne. »
Il ne s'agissait pas d'une vantardise mais d'un calcul de propagande tendant à démontrer l'audience internationale des bolcheviks, seule force révolutionnaire représentative en Russie. La guerre affermissait la conviction de Lénine de l'imminence de la révolution et produisait des changements tels qu'ils nécessitaient non seulement une rectification de la tactique, mais aussi une réévaluation du rôle et de la place du bolchevisme dans cette révolution. Mais la guerre révélait un autre phénomène : l'adhésion de la majeure partie des partis bourgeois ou « petits-bourgeois », tel le menchevisme, à l'« union sacrée ». Dès lors, la révolution en Russie ne pouvait se faire en accord avec eux mais contre eux. C'est le prolétariat qui prendra la tête de la future révolution bourgeoise en Russie, proclame Lénine dans des instructions qu'il élabore en octobre 1915 sur l'activité révolutionnaire en Russie, et où il identifie le prolétariat, en tant que force politique, avec le bolchevisme. Cette conviction de l'actualité de la révolution n'est pas un simple prolongement de ce qu'il prône depuis des années, mais prend une nouvelle dimension théorique.
Au printemps de 1915, Lénine reprend l'ensemble de ces réflexions, ainsi que celles de jeunes théoriciens, tel Boukharine, dans l'œuvre qui présidera désormais à l'analyse des bolcheviks, et qui s'intitule : L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme.
« La théorie de l'impérialisme est, chez Lénine, beaucoup moins une théorie de la genèse économiquement nécessaire et de ses limites économiques que la théorie des forces de classe concrètes[...]
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Écrit par
- Georges HAUPT : sous-directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Médias
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