BOLCHOÏ
« Grand » théâtre de Moscou, le Bolchoï trouve son origine dans un bâtiment construit en 1776 par l'entrepreneur anglais Michael Maddox sur la suggestion du gouverneur de Moscou, le prince Piotr Vassilievitch Ouroussov. C'est là que furent joués les premiers opéras-vaudevilles russes, dont Le Meunier, sorcier, fourbe et marieur de Mikhaïl Matveïevitch Sokolovski, en 1779, et L'Auberge de Saint-Pétersbourg de Vassili Alekseïevitch Pachkévitch, en 1792. Détruit par un incendie en 1805, il fut reconstruit sous une forme considérablement agrandie en 1825. Parmi les œuvres marquantes qui y furent créées, il faut citer Le Tombeau d'Askold d'Alekseï Nikolaïevitch Verstovski, en 1835. Certaines reprises des opéras de Glinka, initialement donnés à Saint-Pétersbourg, connurent à Moscou une existence et une mise en scène inédites dans le courant des années 1840. En 1853, un nouvel incendie ravage le bâtiment ; la reconstruction, définitive cette fois, se terminera en 1856, année de l’inauguration.
Au cours du xixe siècle le théâtre Bolchoï dut se contenter d'une place de second rang derrière le Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg, où furent créés les ouvrages majeurs du répertoire russe. Une place importante lui était cependant réservée pour les représentations de ballets, certains accompagnés de musiques originales de compositeurs russes (Le Tambour magique d'Alabiev, 1827 ; Les Divertissements du sultan de Varlamov, 1834), d'autres s'appuyant sur des adaptations ou des compilations de musiques antérieures.
Dans la seconde moitié du xixe siècle, on y donne les ballets de Cesare Pugni (Le Petit Cheval bossu, 1864), de Ludwig (Léon) Minkus (Don Quichotte, 1869), en attendant l'événement que sera Le Lac des cygnes de Tchaïkovski en 1877. À partir de 1861, le théâtre est loué à une troupe italienne, et, en matière d'opéra, le répertoire occidental y prédomine, hormis quelques rares œuvres de Glinka et de Dargomyjski dans les années 1860. C'est surtout à partir des années 1880 que les ouvrages lyriques russes commenceront à y retrouver leur place : reprise d'Eugène Onéguine (1881) et création de Mazeppa (1884) de Tchaïkovski, reprise de Boris Godounov de Moussorgski.
Vers la fin du xixe siècle et au début du xxe, les répertoires russe et occidental s'équilibrent progressivement. Toutefois, les créations d'œuvres majeures de compositeurs russes restent rares, à une époque où ce sont plutôt des scènes privées qui ont le vent en poupe, comme l'opéra de Mamontov, à Moscou, qui fait concurrence aux scènes impériales. Mais, à partir du début du xxe siècle, les meilleurs chanteurs de Russie se produisent au Bolchoï : la basse Fiodor Chaliapine, le ténor Leonid Sobinov, la soprano Antonina Nejdanova. En 1904-1906, le théâtre a pour chef d'orchestre Rachmaninov. Le ballet garde sa place et connaît un renouveau avec les chorégraphies d'Alexandre Gorski, et des ballerines et danseurs tels que Gheltser, Karalli, Balachova, Tikhomirov.
C'est après la révolution d'Octobre que le Bolchoï devient la première scène du pays. Les années 1920 voient des reprises rénovées des grands ouvrages russes tandis que s'allonge la liste des nouveaux opéras occidentaux (en 1925, par exemple, Salomé de Richard Strauss et Madama Butterfly de Puccini). Dans les années 1930, les grands ballets de Boris Vladimirovitch Assafiev, La Flamme de Paris et La Fontaine de Bakhtchisaraï (1933 et 1936), font date, de même que la reprise en 1939 du premier opéra de Glinka, Une vie pour le tsar, rendu à son titre initial, Ivan Soussanine, et pourvu d'un nouveau livret de Sergueï Gorodetski qui supprime tout le fond tsariste de l'ouvrage.
Sous le régime soviétique, le Bolchoï, devenu un véritable symbole esthético-idéologique, rassemble les meilleures[...]
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Écrit par
- André LISCHKE : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité
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