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BOLLYWOOD

Bollywood, contraction de Hollywood et de la lettre B de Bombay (Mumbai en Inde, depuis 1995), constitue un phénomène relativement récent, le mot ayant été lancé par un journaliste indien dans les années 1970, et une réalité ancienne, dont l’existence remonte à la naissance du film populaire indien, qui a pris forme avec le parlant. En Inde, tout film, quel que soit le genre, est aussi un film musical accompagné de chansons et de danses. Le critique de cinéma Chidananda Das Gupta, ami de Satyajit Ray, a qualifié le cinéma de Bombay parlé en langue hindī de « All India Film », cette formule ayant pour pendant l’avènement de la « All India Radio » dès 1936. Avec l’indépendance de l’Inde en 1947, la jeune nation travaille à construire un front uni et commun. Cette vocation singulière a fait du cinéma de Bombay le vecteur et le garant d’une identité nationale toujours en construction et souvent menacée, notamment à cause des tensions religieuses récentes. Elle a pris une nouvelle dimension avec Bollywood, dernier avatar connu d’un cinéma populaire en constante transformation.

Le phénomène Bollywood coïncide historiquement avec le moment où le Non Resident Indian (NRI) est devenu une réalité à part entière dans les années 1990, avec l’ouverture de l’Inde sur le marché extérieur, tout d’abord en constituant un nouveau public pour les films de Bollywood (on en compte plus de 20 millions à travers le monde) et ensuite en devenant un personnage emblématique de ces films. Ce qu’on voit de manière exemplaire dans DilwaleDulhania Le Jayenge (1995) d’Aditya Chopra, portrait qui s’étend sur plusieurs générations de deux familles d’Indiens vivant à Londres, puis dans Swades (2004) d’Ashutosh Gowariker où un Indien, ingénieur à la NASA (Shahrukh Khan), retourne au pays et s’étonne de l’écart (ou du retard) de l’Inde par rapport à l’Occident. L’entrée en scène du Non Resident Indian suscite des interrogations (la tentation de l’Occident, la perte des valeurs et des traditions loin de la terre mère) identiques à celles que se pose la société indienne aujourd’hui, et notamment ses couches sociales favorisées, que Bollywood aime représenter, en oubliant le reste (la misère, la réalité des bidonvilles, le système des castes). Ce que signifie être un Indien aujourd’hui, au regard de l’évolution du monde, continue d’être, dans le contexte d’un divertissement aux formes multiples, qui vont du mélodrame au film d’action, la préoccupation principale de Bollywood.

Naissance d’un cinéma populaire

Lorsque le cinéma est devenu un moyen d’expression complet, alliant images et sons, le film populaire a pris pour modèle le théâtre, renouant avec le statut protéiforme qui caractérisera l’art théâtral indien, drame parlé, chanté, avec des moments de danse et de musique. En effet, tout remonterait à Brahmā, le Créateur, à l’origine du monde des arts. « Les dieux demandèrent : ʺPuisqu’il ne convient pas que les Vedas soient entendus par les gens de basse naissance [de caste inférieure], tu devrais créer un cinquième Veda qui puisse servir à l’édification de tous.“ Brahmā répondit : ʺJe créerai donc un cinquième Veda, appelé Art-théâtral, basé sur l’histoire et qui servira de véhicule au sens de tous les livres saints, donnera de l’élan aux arts et contiendra des leçons morales, au sens profond qui guideront les hommes vers la vertu, la fortune et la gloire. Il montrera au monde futur la conduite à suivre.“ (Nātya-shāstra) » (cité in A. Daniélou, Mythes et dieux de l’Inde. Le polythéisme hindou, 1992). Si le cinéma populaire, tout en s’inspirant de la forme hybride du théâtre et de son style de jeu (codification gestuelle, mimique), s’est éloigné de l’objectif premier (la propagation de l’hindouisme), il n’en a pas moins conservé le souci de la « leçon morale »[...]

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Écrit par

  • : docteure en études cinématographiques et audiovisuelles
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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