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BOLLYWOOD

Bollywood, changements et continuités

Dans les années 1970, on qualifiait le cinéma de Bombay de « Hollywood masala », du nom d’un mélange d’épices qui accompagne la préparation du curry. Ainsi, le cinéma est un savant mélange de saveurs, qui se combinent de façon unique à chaque fois. Au cours de cette période régnait sans partage le « male hero star » interprété par Amitabh Bachchan, vedette de films d’action comme Sholay (1975). Bachchan pouvait alors incarner des héros du peuple, à l’image de l’ouvrier exploité qui devient un leader dans Coolie (1983) de Manmohan Desai. Cette récurrence du héros luttant pour ses droits contre une société inégalitaire, intrinsèquement lié à la personne de Bachchan, a donné ce que l’historiographie du cinéma indien a appelé l’archétype du « angryyoung man ». Souvent solitaire, le héros doit parvenir à construire sa vie malgré toutes les difficultés qu’il rencontre. Ce lien entre une star et le monde qui l’entoure constitue une réalité que Bollywood a eu tendance à perdre de vue avec l’émergence de personnages plus aisés comme le NRI, tourné vers un monde plus éloigné et globalisé.

L’émergence de Bollywood est liée à plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est l’arrivée d’une nouvelle génération d’acteurs, dont se détache Shahrukh Khan, qui se produisit dans des séries télévisées avant de connaître en 1995, avec DilwaleDulhania Le Jayenge, un succès jamais démenti depuis lors. Surnommé le « King Khan », il domine l’industrie cinématographique, s’arrogeant depuis plusieurs décennies les rôles romantiques et, à partir de 2010, également des rôles d’action ou de super-héros. À ses côtés, d’autres acteurs, plus physiques, se sont imposés : Salman Khan, le « mauvais garçon » de Bollywood, Aamir Khan, révélé dans Dil(1990) d’Indra Kumar et Raja Hindustani de Dharmesh Darshan (1996), avant d’être le héros de Lagaan (2001), et surtout Hrithik Roshan, capable de se couler avec aisance dans des fictions calquées sur les films d’action américains (Dhoom 2) ou dans le costume d’un super-héros avec la série des Krrish (2006, 2013). La mode du bodybuilding se poursuit jusqu’à aujourd’hui. La plupart des acteurs émergents possèdent un corps musculeux, tout autant pour des films d’action que pour les romances ou les comédies (Shahid Kapoor, Ranveer Singh). Ce corps doit beaucoup à Salman Khan, un acteur adulé depuis la fin des années 1990 par un puissant fan-club et dont le succès ne faillit pas avec les années ; il est le super-flic de la série Dabangg(Abhinav Kashyap, 2010 ; Arbaaz Khan, 2012) ou encore le héros au grand cœur de BajrangiBhaijaan(Kabir Khan, 2015).

Si la période « Hollywood masala » attirait surtout un public masculin, Bollywood, en raison aussi des sujets traités – celui des mariages arrangés notamment –, accorde plus d’importance aux personnages féminins. La voie a été ouverte par Madhuri Dixit dans Dil(1990) puis dans Hum AapkeHainKoun(1994). Cette actrice interprétera par la suite le rôle d’une courtisane dans Devdas (2002). Elle a été suivie par Kajol (DilwaleDulhania Le Jayenge) qui forme avec Shahrukh Khan un couple mythique de cinéma. Les huit films qu’ils tournent ensemble rencontrent tous un grand succès. Son plus beau rôle reste celui de la jeune femme aveugle de Fanaa(2006). Les stars féminines sont nombreuses (Preity Zinta dans Veer-Zaara, 2004 ; les sœurs Kareena et Karisma Kapoor). Se distinguent surtout Rani Mukherjee, découverte dans KuchKucho kotai Hai (1998) et héroïne de Paheli(2005), qui fait désormais partie des actrices ayant des premiers rôles (Mardaani, de Pradeep Sarkar, 2014). Ce passage de l’héroïne romantique dans l’ombre du héros à un personnage portant le film sur ses épaules est aussi notable dans le cas de l’actrice Aishwarya Rai Bachchan,[...]

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Écrit par

  • : docteure en études cinématographiques et audiovisuelles
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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