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BOLLYWOOD

Une lente évolution du style

Le développement de Bollywood sur le plan artistique a été favorisé par le déclin du cinéma d’auteur. Né au Bengale dans les années 1950, sous l’impulsion de Satyajit Ray et de Ritwik Ghatak, il a gagné les autres régions de l’Inde dans les années 1970, se développant au Sud et à Bombay (Shyam Benegal, Mani Kaul, Kumar Shahani), au Bengale toujours (Mrinal Sen), grâce aux aides de l’État. Son essoufflement, dû à un manque de soutien sur le plan de la diffusion, a incité une nouvelle génération de metteurs en scène à s’investir dans le cinéma commercial en prenant pour modèles les cinéastes des années 1950 (Mehboob Khan, Guru Dutt, Raj Kapoor). C’est ainsi qu’Amol Palekar, réalisateur de Akriet(1981), acteur chez Benegal et dans Tarang (1984) de Kumar Shahani, ancien assistant de Robert Bresson, a réalisé un film Bollywood, Paheli(2005), avec Shahrukh Khan, d’après un roman qui avait inspiré à Mani Kaul Duvidha(1973). Toute une nouvelle génération de cinéastes très cinéphiles de Bombay, comme Ashutosh Gowarikerou Sanjay Leela Bhansali, a fait elle aussi le choix de Bollywood, abandonnant les marges d’un cinéma exigeant et désormais en totale déshérence, quitte à s’en inspirer et à en faire des remakes : outre Paheli, citons UmraoJaan(2006), avec Aishwarya Rai, d’après le film de Muzzafar Ali (1981) avec Rekha. Il s’agit aussi, dans cette période du film hindī, de concurrencer le pouvoir de la télévision et d’affirmer la suprématie du cinéma.

En Occident, deux cinéastes ont contribué à attirer l’attention sur Bollywood. Il s’agit d’Ashutosh Gowariker, avec Lagaan, nominé aux oscars en 2002 et premier film issu de Bollywood à sortir commercialement aux États-Unis et en France, suivi de Swadesen 2004, et de Sanjay Leela Bhansali avec Devdas, présenté au festival de Cannes. Cela dit, et malgré des efforts notables, Bollywood reste en France un phénomène marginal. Son véritable public, outre la diaspora indienne, est constitué de jeunes et de familles issus de l’immigration (Afrique du Nord et Afrique noire), attachés à un cinéma dont la thématique leur parle (vivre dans un autre pays, la mémoire des racines et des traditions, les mariages arrangés, les tensions communautaires et religieuses), et qui respecte certaines valeurs morales (pas de scènes de sexe ni d’adultère) tout en faisant de la famille et du respect des parents le modèle de toute vie.

Le cinéma de Bombay totalise seulement un peu plus de 20 p. 100 de la production indienne. Il n’en reste pas moins le cœur de l’industrie et le lieu des grands succès. Devdasa été le premier film à coûter plus de dix millions de dollars, et Om Shanti Om (2007), second film de la réalisatrice Farah Khan, la chorégraphe la plus importante du cinéma hindi, qui parodie les mœurs et le style de Bollywood, a généré un chiffre d’affaires de 39,5 millions d’euros à travers le monde. Les éléments qui contribuent au succès des films n’ont pas varié : importance des chanteurs et chanteuses doublant les acteurs en play-back (Lata Mangeshkar, sa sœur Asha Bhosle), qualité de la musique et des chansons, lancées avant la sortie du film et déterminantes pour son succès. En effet, la bande originale du film précède toujours un peu sa sortie : un engouement pour une mélodie provoque une raison supplémentaire d’aller en salle. Le style musical a évolué, dans le montage surtout, plus rythmé et se rapprochant du clip (les séquences passent de fait sur des chaînes télévisées spécialisées dans les séquences musicales filmiques), tout comme la nature des chorégraphies, qui alternent style occidental (une discothèque à New York) et indien. Cette ouverture sur le monde de la séquence musicale provient d’un métissage avec d’autres styles de danse (claquettes dans Dhoom 3, hip-hop dans Jab Tak Hai Jaan), et surtout[...]

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Écrit par

  • : docteure en études cinématographiques et audiovisuelles
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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