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DES PÉRIERS BONAVENTURE (1510-1544)

La vie de Bonaventure des Périers nous est mal connue. On sait qu'il passa quelque temps à Lyon, où il aida Étienne Dolet à composer ses Commentaires de la langue latine, puis qu'il fut admis dans le cercle de Marguerite de Navarre, comme conseiller, puis comme secrétaire de la reine. Il contribua à rédiger, ou rédigea lui-même, les tables de la première traduction française de la Bible (Lefèvre d'Étaples et Olivetan), prenant part au travail collectif de ceux qu'on a appelés les « libertins spirituels », pour désigner leur relative indépendance à l'égard du catholicisme. Ses œuvres personnelles sont de nature très différente. Les Nouvelles Récréations et Joyeux Devis, édités à Lyon en 1558, sont un recueil, dans le goût du temps, de nouvelles et historiettes, à l'imitation de Boccace, comme Marguerite elle-même le fit pour l'Heptaméron, au moins en ce qui concerne les nouvelles proprement dites. La plupart des cent vingt-neuf nouvelles appartiennent au fonds traditionnel, mais Bonaventure ajoute un certain nombre d'épisodes de son cru ; il raconte de façon gaie, enjouée et souvent humoristique. Plus obscur est son Cymbalum mundi (1537), court dialogue en forme d'apologue, d'un scepticisme débridé ; adressé à Pierre Troycan (anagramme de Croyant), le texte est une satire des religions. Premier épisode : Mercure, symbole des malins et des voleurs, se voit dupé à Venise par deux ivrognes qui lui volent le Livre des destinées confié par Jupiter (d'où une séquence drolatique dans le style de la Pronostication pantagrueline de Rabelais) ; deuxième temps : Rethulus et Cubercus (peut-être Luther et Bucer) se disputent sans gloire la suprématie, leur affrontement ridicule ne les départage pas ; troisième morceau : vive critique des moines dans le ton d'Érasme ou de Rabelais, et parabole du cheval Phlégon, maltraité par son cavalier ; enfin : dialogue de deux chiens qui, connaissant leurs chaînes et sachant qu'ils peuvent recevoir le bâton, envisagent une forme de résignation assez morose, le silence ; ce à quoi la critique moderne a depuis lors donné le nom d'hésuchisme (du grec : hêsukhia, « repos », « silence »), et qui caractérise le courant évangéliste à l'heure de la répression.

— Jean-Yves POUILLOUX

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé des lettres classiques, maître de conférences en littérature française à l'université de Paris-VII

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