BONHEUR (notions de base)
Le bonheur et la conscience
Tout autre est la vision apportée par le monothéisme judéo-chrétien. L’un des plus vieux récits de l’humanité, la Genèse biblique, offre une saisissante description de la naissance de la conscience. En goûtant au fruit de l’Arbre de la Connaissance, Adam et Ève sortent de l’innocence animale présentée comme une forme évidente de bonheur : « Les yeux des deux se dessillent [s’ouvrent à la réalité], ils savent qu’ils sont nus » (Genèse, 3, 7). Devenir conscient, c’est être chassé du paradis terrestre, c’est entamer le chemin du malheur, car s’élever à la conscience c’est rompre avec le monde et avec soi-même.
Nous cessons alors d’être « heureux comme des poissons dans l’eau », formule qui soulève un second paradoxe. Tel l’homme primitif, le « poisson dans l’eau » ignore sa condition, il ne pourrait reconnaître le bonheur d’être dans l’eau qu’en sortant de l’eau, ce qui entraînerait sa mort. Ce second paradoxe explique pourquoi l’homme a si souvent choisi, plus ou moins lucidement, la voie de l’inconscience. Pourquoi il a choisi de se plonger dans ce que Blaise Pascal (1623-1662) nomme « divertissement » : « Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser » (Pensées, 1670). Chemin voué à l’échec, aucun divertissement n’ayant la capacité d’annihiler la conscience de la plus grande de nos misères, la mort. Ainsi l’usage le plus fréquent que les hommes ont fait de leur conscience a consisté à inventer mille et une techniques pour se supprimer en tant qu’êtres conscients (drogues, alcools, divertissements, etc.). Friedrich Nietzsche (1844-1900) note dans le Gai Savoir(1882) que l’histoire de la civilisation est l’histoire des narcotiques !
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
Classification