BONIFICATION DES SOLS
Bonifier une terre, c'est la rendre productive. Cependant, le terme italien bonifica et la politique qui s'y attache ne concernent pas seulement la production agricole. L'œuvre de bonification intéresse des domaines naturels improductifs ou déshérités : marécages, montagnes ruinées par l'érosion, deltas menacés par les défluviations. Le but est de tirer le meilleur de ces territoires restés jusque-là stériles, grâce à un aménagement concerté. Il convient d'abord de promouvoir une production agricole rentable par des techniques appropriées : reboisement, lutte contre l'érosion, maîtrise des eaux et irrigation, assèchement et dessalement des marais ou des deltas. Cet effort de conquête de terres nouvelles s'accompagne de la création d'infrastructures générales : routes, ponts, canaux, lignes électriques. Une autre mission fondamentale de toute entreprise de bonification consiste à élever le niveau de vie des populations rurales concernées. Les moyens en sont multiples : agrandissement des exploitations, création d'un nouvel habitat, encadrement technique et social. Dans les pays méditerranéens dont le système foncier était quasi féodal, la bonification a été souvent assortie d'une réforme agraire.
En France, au xixe siècle, des régions comme la Sologne, les Landes, les Dombes restaient à assainir et à exploiter rationnellement. La conquête séculaire des polders en Flandre franco-belge et aux Pays-Bas relève du même souci de gagner et de peupler des terres nouvelles. Cependant, les réalisations italiennes représentent le type de la bonification contemporaine de zones hostiles. Avant 1914, les conquêtes de surfaces nouvelles profitèrent surtout au Nord et n'eurent jamais de but social. C'est le fascisme qui lança l'idée de la « bonification intégrale » de régions entières, œuvre à finalités économiques et sociales (lois de 1923, 1928, 1933). Un secrétariat d'État aux Bonifications établissait et finançait les programmes et traitait avec les associations de propriétaires. Huit millions d'hectares devaient être mis ou remis en culture ; un million et demi furent gagnés de 1922 à 1940. La grande réalisation du régime fut l'assainissement des marais Pontins, dont la population passa de trois mille à trois millions d'habitants. Les marécages paludéens furent remplacés par de riches cultures de blé, de betterave, de fourrage.
Le programme de bonifications prévu par la loi Segni (1950) porte sur douze millions d'hectares. La réforme agraire générale s'applique aussi à ces zones conquises. L'œuvre intéresse des zones mal drainées (la Maremme toscane, le Tavoliere, les plaines sardes) ou des régions à irriguer. Collines et montagnes en bénéficient aussi : création de lacs collinaires, reforestation, aide à la vie pastorale.
À travers les exemples italiens ou hollandais, on saisit bien les progrès apportés par les bonifications :
conquêtes de terres nouvelles, les surfaces gagnées dépendant des programmes et des investissements ;
accroissement des rendements qui triplent ou quadruplent ;
création d'une classe de petits et moyens paysans, changement particulièrement sensible en pays méditerranéen ;
organisation d'un nouveau paysage rural à parcelles régulières et à habitat ordonné, succédant à un désert rural.
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Écrit par
- Roger BÉTEILLE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Poitiers
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