BONNET PHRYGIEN ou BONNET ROUGE
Coiffure de diverses formes, portée d'abord par les Phrygiens, le bonnet qui porte le nom de ce peuple devint signe d'affranchissement à Rome, mais la mise du pileus sur la tête de l'esclave affranchi n'était qu'un aspect accessoire de la cérémonie.
Signe de liberté, un bonnet ou chapeau figurant sur des médailles d'argent, rappellera sous Henri II, roi de France, qu'il était le défenseur de la liberté italienne et germanique (1552).
Dès la fin de 1789 ou le début de 1790 furent confectionnés les drapeaux de la nouvelle garde nationale de Paris et ils comportaient souvent des bonnets de la Liberté parmi d'autres symboles, les couleurs les plus diverses étant employées pour les peindre. Ce bonnet coiffera très souvent la pique du peuple dès 1791, et il sommera le faisceau de licteur, image de la France nouvelle une et indivisible. La symbolique de l'État nouveau opposera, même en les unissant, le faisceau coiffé du bonnet de la nation et l'écu à trois fleurs de lis du roi, l'un et l'autre dissociés pour la première fois, l'écu de la nation étant d'ailleurs placé à dextre (visuellement à gauche) par rapport à celui du roi, pour bien montrer la primauté du corps social rénové sur sa tête. La disparition des armoiries, en juin 1790, renforça l'importance du faisceau coiffé, encore que les fleurs de lis, hors écu, aient pu résister quelque temps. L'année 1792 sera déterminante : un article de Brissot dans Le Patriote (6 févr.) lance la mode du bonnet en vantant ses avantages ; puis le club des Jacobins verra son président et d'autres membres du bureau porter un bonnet rouge (couleur plus gaie, paraît-il) : Pétion protestera contre son emploi « qui effraye les honnêtes gens » (19 mars). Robespierre fit décider que la seule cocarde suffisait au ralliement, mais, peu de jours après, le buste de Voltaire était coiffé du bonnet à la fin d'une représentation de La Mort de César. Amnistiés et revenant du bagne de Brest, après avoir été condamnés à la suite d'une insurrection militaire à Nancy (août 1790), les Suisses de Châteauvieux furent l'objet d'une grande fête populaire (15 avr.) ; ils portaient leurs bonnets de galériens et la mode s'en empara de plus belle. Les sans-culottes qui envahirent les Tuileries le 20 juin portaient le bonnet orné de la cocarde, et Louis XVI, résistant sur le fond de leurs réclamations, s'en coiffa pour temporiser. Le port du bonnet rouge demeura très populaire en 1793, malgré les réticences de Robespierre, qui disait n'aimer pas davantage les « bonnets rouges » que les « talons rouges ». La chute de la royauté entraîna la création d'un nouveau sceau pour l'État ; la galette de cire qui était attaché au bas des lois et traités fut ornée de la Liberté debout, tenant de sa gauche un faisceau et de sa droite une pique surmontée du bonnet — dont la forme devint plus « phrygienne », ou classique (le haut du bonnet rabattu en avant) avec le Consulat ; le Premier consul fit pourtant effacer aux Tuileries les signes républicains par trop visibles (le 2 germinal an XI, le préfet de la Seine requit l'enlèvement de tous les bonnets rouges existant sur les monuments publics). La Convention avait de son côté interdit l'usage du bonnet rouge dans les bagnes ; un décret du 20 septembre 1793 ordonna que les fleurs de lis des bornes militaires sur les bords des routes soient remplacées par un bonnet de la Liberté.
La IIe République n'inscrivit pas le bonnet dans le sceau de l'État qui sert encore de nos jours, le faisceau tenu par la Liberté, cette fois assise, perdant même sa hache ; cependant, les insurgés de juin 1848 mirent le bonnet rouge sur le blanc du drapeau tricolore.
La IIIe République utilisa le bonnet de la Liberté, qui figura surtout coiffant[...]
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Écrit par
- Hervé PINOTEAU : vice-président de l'Académie internationale d'héraldique
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