ELTSINE BORIS (1931-2007)
Boris Eltsine, premier président de la fédération de Russie, a joué un rôle majeur dans les mutations postsoviétiques, rôle diversement évalué dans son pays.
Né le 1er février 1931 dans le district de Sverdlovsk, il présente le profil typique de sa génération : un père paysan devenu ouvrier, la survie quotidienne difficile dans un bourg de l'Oural, un diplôme d'ingénieur, le travail, d'abord comme ouvrier, puis les échelons gravis dans des trusts de construction locaux.
À l'âge de trente ans, il adhère au Parti communiste de l'Union soviétique (P.C.U.S.), devient fonctionnaire du parti ; en 1976, il est nommé à la tête du comité de sa région natale. Il coopère alors avec un autre responsable régional, Mikhaïl Gorbatchev, animé comme lui du souci d'améliorer la situation.
Ce dernier, devenu secrétaire général du P.C.U.S. en 1985, l'appelle à la direction du comité de Moscou, gangrené par des réseaux clientélistes, et favorise sa nomination au bureau politique : la perestroïka est à l'ordre du jour. L'entente entre les deux hommes touche cependant à sa fin ; Eltsine va mettre son énergie bouillonnante au service d'objectifs radicaux, tandis que Gorbatchev se montrera plus indécis.
Critiquant les dirigeants du parti, Boris Eltsine est démis de ses fonctions en 1987 ; mais cette disgrâce renforce sa popularité : plébiscité par l'électorat moscovite, il entre au Congrès des députés du peuple d'U.R.S.S. (mars 1989). Un an plus tard, militant actif de la « Plate-forme démocratique » qui vient de se former au sein du P.C.U.S., c'est au soviet suprême de la République socialiste fédérative soviétique russe (R.S.F.S.R.) qu'il est député. Il en est élu président en mai 1990, contre le candidat soutenu par Gorbatchev.
À l'opposition qui sépare les deux hommes quant à l'ampleur souhaitable des changements s'en ajoute une nouvelle, impensable auparavant : l'un incarne le pouvoir soviétique, l'autre le pouvoir russe. La tension monte entre le pouvoir fédéral et la République russe, qui adopte une déclaration de souveraineté ; la rupture idéologique est consommée lorsque Boris Eltsine quitte avec fracas le XXVIIIe (et dernier) congrès du P.C.U.S. (juill. 1990).
L'Union soviétique s'effrite tandis qu'il se dote d'une nouvelle légitimité : le 12 juin 1991, il est élu au suffrage universel direct président de la fédération de Russie, fonction qui vient d'être créée par référendum.
En août, les communistes conservateurs tentent de destituer le secrétaire général du parti. Boris Eltsine incarne alors la résistance démocratique : juché sur un tank, il appelle à la désobéissance civile. L'échec du putsch marque la fin de son rival : le P.C.U.S. est suspendu, l'U.R.S.S. disparaît en décembre avec la naissance de la Communauté des États indépendants, Mikhaïl Gorbatchev n'est plus rien.
Un nouvel État est né et le président russe s'entoure d'une équipe de jeunes réformateurs pour le doter d'un système nouveau. Après le passage accéléré à l'économie de marché (1992), le Parlement, s'érigeant en défenseur de la population russe dont le niveau de vie s'effondre avec la libéralisation des prix, se dresse contre le président, qui recourt finalement à l'armée pour mettre un terme au conflit. Pour certains, les événements sanglants d'octobre 1993 constituent la vraie fin du système soviétique, la naissance de la démocratie avec la dissolution des soviets (les instances législatives, territoriales et centrale avaient gardé cette appellation). Pour d'autres, c'est la fin de l'illusion démocratique, car la Constitution adoptée en décembre 1993 définit un régime présidentiel fort.
La popularité de Boris Eltsine s'amenuise tandis[...]
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Écrit par
- Myriam DÉSERT : professeure émérite en civilisation russe à Sorbonne-université
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