BORNOU
L'apogée
À partir du xvie siècle, l'État bornouan traverse une longue période de splendeur. Sous le règne d' Idriss Alaoma (1580-1617), il connaît son apogée.
Les conquêtes d'Idriss Alaoma et de ses prédécesseurs donnèrent à l'empire les limites qu'il garda jusqu'au début du xixe siècle. Le royaume proprement dit correspond à la région du Bornou, essentiellement peuplée de Kanouri mêlés à des Khoyam, à des Arabes et à des Beddés ; il s'y ajoute des États vassaux comme le Kanem, le Baguirmi, les principautés Kotoko, etc. Les marches de l'empire sont inégalement contrôlées : vers le nord, l'empire s'efforce d'imposer son autorité aux nomades : Touaregs Kel Owi, Teda et Daza. Vers le sud, il tente d'asservir les populations païennes. Vers l'ouest, il essaie de contrôler les royaumes Haoussa.
Les institutions politiques
Le système politique bornouan revêt certains caractères qui l'apparentent au féodalisme. À la tête de l'empire est placé le souverain ou maï. Cette fonction est héréditaire au sein de la ligne masculine de la Sefuwa Magumi. Le principe d'hérédité est cependant tempéré par le choix : s'il s'est assuré un pouvoir incontesté, le maï peut désigner de son vivant son successeur qui prend alors le titre de chiroma ; sinon, c'est le Grand Conseil qui désigne le nouveau monarque parmi les fils du maï, chacun de ceux-ci pouvant prétendre au trône. L'étiquette est stricte et le cérémonial riche. Le souverain dispose d'un pouvoir, qui peut être absolu si sa personnalité est forte, ou réduit s'il se laisse guider par le Grand Conseil ou les intrigues de sa cour. Les membres de la famille royale sont détenteurs de titres et d'influence : la reine mère (magira), la première épouse (gumsa), les princes et les princesses (maïna). Pour contrebalancer les pressions venant de sa famille ou des nobles du Grand Conseil, le souverain s'entoure de conseillers, les kogona, dont il s'assure la loyauté et la fidélité ; les uns sont de naissance libre (les kambé), d'autres sont des esclaves (les katchella).
L'administration de l'empire est assurée par des nobles auxquels le maï confie le contrôle d'un territoire déterminé. L'empire est ainsi partagé en sortes de fiefs ; cependant, afin d'éviter la constitution de féodalités locales indépendantes du pouvoir central, ces charges ne sont pas héréditaires. Les principaux de ces dignitaires sont : le kaïgamma ou chef militaire, qui, responsable de l'armée, dispose d'un pouvoir immense dont il use parfois pour renverser le sultan en exercice ; le yerima, gouverneur du Yeri (pays compris entre la capitale et le Mounio), qui a pour charge de défendre l'empire contre les Touaregs ; le galadima, gouverneur du Galadi, c'est-à-dire des protectorats plus ou moins effectifs de l'ouest ; le kadzelma, gouverneur du Kadzel, plaine occidentale du Tchad entre la Yobé et Ngigmi.
Les ressources de l'État se composent à l'origine essentiellement des tributs payés par les États vassaux et les populations soumises. À partir du xvie siècle, la fiscalité fut organisée au sein même de l'empire : dîmes perçues annuellement sur récoltes et bétail par les chefs de village, de district et de province.
La justice était rendue en principe par les chefs de tribu. Cependant les dignitaires religieux, notamment le talba, première personnalité religieuse de l'empire, exerçaient une large autorité en matière judiciaire. Les liens entre la hiérarchie religieuse et le pouvoir central étaient extrêmement étroits, celle-là apportant au maï ses conseils et son soutien.
L'armée joue un rôle essentiel dans la défense de l'expansion de l'empire bornouan. Elle est organisée par régiments, correspondant à des divisions territoriales[...]
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Écrit par
- Martin VERLET : ethnologue
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