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BOSC (1924-1973)

Comme Sempé, le Français Bosc appartient à cette génération de dessinateurs humoristes qui mettent en lumière le lien organique existant entre l'individu et la foule. Ils s'ingénient à mettre fin à un mythe, celui de l'individualisme. Le jeu graphique de Bosc va du plan d'ensemble au portrait de l'individu isolé perçu en tant qu'animal social. Pour Bosc, le comportement d'un homme pris isolément renvoie toujours à une foule, c'est-à-dire à un conformisme, à un asservissement (Mort au tyran, par exemple). Un général faisant porter ses nombreuses décorations par un subordonné, un propriétaire énumérant ses possessions nous révèlent le premier une armée dont le fonctionnement repose sur la servitude, le second une société fondée sur le principe de l'appropriation individuelle. Inversement, la foule secrète l'« exception » : chef ou bien trouble-fête. Ces « émergences » se servent de la masse comme d'un marchepied pour se hisser au premier plan, ou bien sont porteurs d'une singularité involontaire. Une sorte d'imbécillité supérieure distingue le chef ou le maladroit de l'ensemble. L'armée, qu'elle soit de terre ou de mer, se prête admirablement aux variations du dessinateur, le décalage qui suscite le rire résidant dans l'absence ou dans l'excès qui perturbe et renforce l'ordre imposé par la collectivité.

Dans ses dessins, Bosc figure moins des corps que des signes, signes qui se répètent comme à l'intérieur d'un cauchemar et qui ne se distinguent les uns des autres que pour mieux se répéter. Contrairement aux systèmes de signes qui ne signifient que par différence, le système de Bosc tend vers la duplication d'un même idéogramme, l'effet comique n'étant obtenu que par le grossissement d'un des éléments. Son dessin opère donc selon un processus qui s'inscrit en faux contre le mouvement de différenciation du langage. Le graphisme de Bosc exprime les vaines tentatives de l'individu pour atteindre à l'autonomie, ses enlisements. Le signe y est absence de corps. Cette absence, le dessinateur se la signifia à lui-même en se donnant la mort.

— Marc THIVOLET

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