BOTANIQUE (HISTOIRE DE LA)
De 1700 à nos jours
De Linné à Darwin
Le xviiie siècle est marqué par un événement majeur dans l'histoire de la botanique et, plus généralement, de la biologie : l'invention du système de nomenclature binominale par le naturaliste suédois Carl von Linné. Dans son ouvrage Species Plantarum, publié en 1753, celui-ci propose de nommer chaque espèce de plante selon un système simple : le nom de genre commençant par une majuscule (par exemple, Laurus) suivi de son épithète en minuscules (nobilis). Ces deux mots latins forment ensemble le nom d'espèce (Laurus nobilis), que l'on écrit toujours en italiques afin de le distinguer des différents noms vernaculaires employés communément (laurier ou laurier-sauce en français, bay laurel en anglais). Ce système est aujourd'hui universellement adopté, tant pour les plantes que pour tous les autres organismes vivants et fossiles, et demeure la règle dans le Code international de nomenclature botanique. Il a eu l'avantage de considérablement simplifier la communication entre les biologistes et, de ce fait, permis d'accélérer les recherches, notamment en botanique. Néanmoins, le Species Plantarum de Linné allait bien au-delà d'un système pour nommer les espèces. Il s'agissait aussi du premier inventaire de toutes les espèces de plantes connues au monde, environ huit mille à cette époque, ainsi que d'un système de classification original, fondé presque exclusivement sur les caractères sexuels des plantes. À l'inverse de son système de nomenclature binominale, le système de classification de Linné a été peu suivi. Dans ce domaine, ce sont les Jussieu qui ont sans doute eu le plus d'influence à l'époque. En particulier, Antoine-Laurent de Jussieu, botaniste au Jardin du roi (aujourd'hui le Jardin des Plantes à Paris), propose dans son ouvrage Genera Plantarum, publié en 1789, un système de classification qui peut être considéré comme l'ancêtre de tous les systèmes majeurs utilisés jusqu'à la fin du xxe siècle.
Au xixe siècle, d'autres botanistes, tels que Augustin Pyrame de Candolle à Genève (Suisse) ou George Bentham et Joseph Dalton Hooker à Kew (Royaume-Uni), apporteront une contribution essentielle à la description et la classification de la biodiversité végétale. Cette tâche s'enrichit constamment des grandes expéditions naturalistes de l'époque, par exemple celles de l'Allemand Alexander von Humboldt aux Amériques et du Britannique Joseph Banks en Australie. Cependant, c'est sans aucun doute la publication, en 1859, par le Britannique Charles Darwin, de L'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie qui va révolutionner la pensée en biologie, y compris la botanique. La théorie de l'évolution qu'il propose va, en effet, devenir progressivement non seulement le fondement des systèmes classificatoires, mais aussi et surtout une base de travail pour de nombreuses disciplines en biologie. En ce qui concerne la botanique, il est intéressant de noter que Darwin était profondément ennuyé par l'origine presque soudaine des plantes à fleurs (Angiospermes) au Crétacé et la diversification extrêmement rapide des espèces qui s'ensuivit. Dans sa correspondance avec divers collègues au cours des années 1870, Darwin avait alors utilisé l'expression « abominable mystère » pour cette question qui demeure, aujourd'hui encore, loin d'être complètement résolue. Par exemple, si la plupart des chercheurs s'accordent sur l'idée que la coévolution entre les formes de fleurs et leurs insectes pollinisateurs a joué un rôle essentiel dans cette diversification très rapide, cette hypothèse n'a encore jamais été testée à l'échelle du groupe entier des Angiospermes[...]
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Écrit par
- Lucien PLANTEFOL : ancien professeur de botanique à la faculté des sciences de Paris, membre de l'Académie des sciences
- Hervé SAUQUET : maître de conférences à l'université Paris-Sud, professeur au Laboratoire écologie, systématique, évolution de l'université Paris-Sud
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Média