GUYANES BOUCLIER DES
La Guyane côtière : une création coloniale inachevée
Les colonisations catholique et protestante prirent pied sur la Guyane côtière, une ancienne région de culture amérindienne. La conquête fut sauvage, l'esclavage fut plus féroce qu'ailleurs, l'émigration se révéla un désastre, et le bagne fut mortifère.
La Caribane : une terre de vieille culture amérindienne
Malgré sa réputation de côte sauvage, la côte guyanaise, que les cartes anciennes nommaient la « Caribane », fut longtemps une terre de grande culture et, au xiie siècle, la Guyane présentait un littoral fort développé. Sur la rive nord, à partir de 600 apr. J.-C., les sociétés dites Arauquinoïdes pratiquaient une agriculture intensive sur billons (Rostain, 2003), fort exigeante en main-d'œuvre et capable de nourrir une population nombreuse et dense. Sur la rive méridionale, de grandes cités, à Santarém sur l'Amazone et sur l'île de Marajó à l'embouchure du même fleuve, tiraient leur subsistance des cultures de varzea (terres inondables) et de la terra preta (terre noire très fertile).
Ces sociétés étaient issues de la zone Orénoque-Apure (dans l'actuel Venezuela) et constituaient, entre le Guyana oriental et l'île de Cayenne, des cultures indépendantes mais présentant des caractères communs. Dans la plaine côtière, elles vivaient dans des villages de bois qui dominaient, sur des buttes artificielles, un paysage de billons ordonnés utilisant des systèmes élaborés de drainage. L'artisanat y était raffiné et les échanges trans-culturels poussés. Les voyages se faisaient alternativement à pied et par voie d'eau, grâce à une série de sentiers traversant les lignes de partage des eaux et reliant les différentes sections navigables (biefs) des fleuves, entre les sauts infranchissables et considérés comme sacrés.
Les Amérindiens sont, au début du xxie siècle, plus de 206 437 dans la Guyane, répartis en vingt-quatre groupes (Bahuchet, 1993). Ils représentent officiellement 5,57 % de la population totale, un chiffre important comparé aux États de la région (0,4 % de la population du Brésil en 2000 et 2,31 % de celle du Venezuela selon le recensement de 2001). La densité de population amérindienne qui est de 0,06 hab./km2 au Brésil atteint 0,11 en Guyane (statistiques de Serge Bahuchet, 1993), traduisant un doublement de la population amérindienne guyanaise entre 1970 et 1990. Un tiers des populations amérindiennes vit dans la zone périphérique, mais cette part tend à diminuer. En 1970, 32 % des Amérindiens de la Guyane vivaient au milieu de forêts et de savanes inondables (mangroves et varzeas). En 1990, la zone ne représente plus que 28 % de l'ensemble, malgré un taux de croissance démographique annuel de 1,88 %. La zone principale de peuplement amérindien se situe dans le Delta Amacuro (19 573 Warao en 1990). Dans les Guyanes côtières, on compte 21 714 Karib Kalin'a (anciennement dénommés Galibi), 14 510 Arawaks Lokono, et 600 Palikur. Dans cette zone de vieille culture agricole, les habitats sont peu à moyennement dégradés, bien qu'ils soient très fragiles et très convoités. Ils sont, en effet, soumis à des pressions très fortes de la part de l'agriculture (riziculture, élevage), de l'urbanisation, des routes et de la pêche intensive sur le plateau continental (crevettes).
L'union politique entre les différents groupes indigènes s'ébauche, à partir de 1981, autour de la Fédération des organisations amérindiennes de Guyane (F.O.A.G). Très active politiquement et culturellement, elle reste cependant dynamisée par une ethnie, les Kali'na.
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Écrit par
- Emmanuel LÉZY : maître de conférences en géographie à l'université de Paris-X-Nanterre
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