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BOUDDHISME (Arts et architecture) Le stupa

Valeurs symboliques

Les grammairiens indiens, pour expliquer le mot stūpa, ont inventé une racine : stu, « agglomérer ». Car même dans ses formes les plus élaborées, le stūpa est d'abord un tumulus, un entassement de matériaux. D'éminents savants (P. Mus, J. Irwin) ont soutenu que le stūpa dérivait de tumulus bâtis de façon à symboliser par leur paroi extérieure hémisphérique (aṇḍa) la voûte céleste, et par le poteau de bois planté en leur centre l'axe du monde qui dans le même temps unit et sépare le ciel et la terre. On connaît au moins deux exemples de tumulus prébouddhiques répondant à cette description (Lauriya-Nandangarh), mais son interprétation symbolique est due aux chercheurs modernes : aucun des nombreux traités de rituel indiens ne parle de ce type de monument. Les textes bouddhiques les plus anciens relatant les funérailles du Buddha et l'érection de stūpa sur ses cendres (env. ive s. av. notre ère) ne mentionnent pas la hampe porte-parasols dans laquelle P. Mus et J. Irwin voient une représentation symbolique de l'axe du monde. Elle ne se trouve pas non plus dans le plus ancien stūpa connu (Vaiśālī) ; en outre dans la plupart des monuments, cette hampe est simplement fixée dans la partie supérieure de l'aṇḍa, elle ne le traverse pas. Il existe des monuments tardifs, les pagodes chinoises par exemple, où cette hampe repose directement sur le sol, traverse tout le monument et jaillit à sa partie supérieure à la façon d'un axe du monde. Ce sont des exceptions qui correspondent à un développement ultérieur de la pensée bouddhique.

<it>Dagoba</it> à Anuradhapura (Sri Lanka) - crédits : Cris Haigh/ The Image Bank/ Getty Images

Dagoba à Anuradhapura (Sri Lanka)

Les textes anciens sont suffisamment explicites. Les mahā-parinirvāṇa-sūtra anciens s'accordent à déclarer que le soin des funérailles du Buddha ne devait pas revenir aux moines, mais à des laïques : les monuments bâtis sur les cendres du Buddha sont ceux que l'on bâtissait pour les rois. Cela suffit à expliquer la hampe, nécessaire pour porter les parasols, symboles de royauté et de sainteté à la fois. Une inscription d' Aśoka (Nigali Sagar) commémore l'agrandissement par les soins de celui-ci du stūpa du Buddha-des-temps-passés Konākamuni, ce qui doit signifier : « construit sur ses cendres ». La légende attribue à Aśoka la construction, sur toute la surface de l'Inde, de 84 000 stūpa contenant chacun une portion des reliques retrouvées du Buddha. Les plus anciennes inscriptions trouvées dans des stūpa (Piprāwā, env. iiie s. av. notre ère ; Sāñcī, fin iie s. av. notre ère ; textes kharoṣṭhī du nord-ouest de l'Inde, ier s. de notre ère) indiquent que le fait important est non la construction du stūpa mais la conservation en son sein de reliques corporelles (śarīra-dhātu) du Buddha ou des grands saints du bouddhisme. Il n'est pas rare en effet que l'on retrouve des restes corporels calcinés dans le(s) reliquaire(s) que contient souvent le stūpa, et qui lui-même a parfois la forme d'un stūpa. Il n'est donc pas étonnant qu'un synonyme de stūpa soit dhātu-garbha, « reliquaire » (en cinghalais dāgoba, en français « pagode »).

Il y a eu un véritable culte, et même un commerce, des reliques auxquelles beaucoup attribuaient des pouvoirs merveilleux. Mais, pour les théoriciens du bouddhisme, les reliques corporelles n'ont par elles-mêmes aucune valeur. Le Buddha n'est pas un dieu qui doit recevoir un culte. Ses reliques sont seulement un support sur lequel le fidèle peut s'appuyer pour mieux comprendre la loi (dharma) que le maître a proclamée et atteindre la libération du cycle des renaissances. Le stūpa, même s'il ne contient rien, ou seulement un manuscrit énonçant les vérités du bouddhisme, a donc une valeur symbolique par lui-même. Il évoque le corps-de-la-loi du Buddha (dharma-kāya), les vertus éminentes que celui-ci a pratiquées[...]

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Prière devant un stupa à Sarnath - crédits : Dinodia Picture Agency, Bombay,  Bridgeman Images

Prière devant un stupa à Sarnath

Grand Stupa, Sanci - crédits : CSP_dimol/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

Grand Stupa, Sanci

<it>Dagoba</it> à Anuradhapura (Sri Lanka) - crédits : Cris Haigh/ The Image Bank/ Getty Images

Dagoba à Anuradhapura (Sri Lanka)

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