BOUDDHISME (Arts et architecture) Représentations des Bodhisattva
Les Grands Bodhisattva
Gautama, archétype de tous les Buddha, avant ou après son Éveil, et les Bodhisattva des vies antérieures, humains ou animaux, sont des êtres foncièrement « naturels » et « terrestres », ce que traduit leur iconographie. Il n'en est pas de même pour les Grands Bodhisattva du Mahāyāna, tels Avalokiteśvara ou Mañjuśrī, ou, dans une certaine mesure, Maitreya, commun aux deux Véhicules. Si le bouddhisme n'avait récupéré, pour mieux la soumettre, la majorité des divinités du panthéon brahmanique, on pourrait dire que ces Bodhisattva, dont l'activité s'exerce à travers le cosmos hors du temps humain, sont les « dieux » des bouddhistes ; la dévotion à leur égard a souvent dérivé dans ce sens et leurs images sont celles de dieux. En effet, aucune tradition historique contraignante censée s'appuyer sur des témoignages oculaires ne dicte leurs traits, qui sont régis par les principes de base de l'iconographie des dieux indiens : la multiplicité des formes que peut revêtir une même divinité et la libération des contraintes anatomiques humaines (multiplication des membres, etc.) ; ajoutons à cela que le code iconographique de ces Bodhisattva (stations, attitudes, gestes, attributs...), beaucoup plus riche que celui du Buddha, est celui des dieux. Cette parenté n'a rien de surprenant : l'« invention » des Grands Bodhisattva est, en un sens, une réponse au succès des grands dieux de l' hindouisme théiste, Viṣṇu et Śiva ; leurs premières images ont été élaborées dans des hauts lieux de cet hindouisme comme Mathurā. Certains Bodhisattva ne sont d'ailleurs à l'origine que des dieux « bouddhisés » : Vajrapāṇi (« Qui tient la foudre ») emprunte son nom et son attribut éponyme à Indra, le roi des dieux.
Les Grands Bodhisattva sont, théoriquement, subordonnés aux Buddha et sont souvent figurés comme leurs acolytes. Cette subordination se traduit aussi par la présence fréquente dans leur coiffure d'une représentation du Buddha particulier dont chacun est l'émanation. Ce signe (souvent l'élément d'identification le plus probant) est normalement une image, mais, dans le cas de Maitreya, c'est le stūpa qui représente le Buddha historique auquel il doit succéder. Ce Bodhisattva possède des formes surhumaines à bras multiples, mais il doit sans doute à son caractère de futur Buddha « terrestre » d'être souvent figuré de façon plus humaine avec deux bras : « prince héritier » (kumāra) du Buddha, il peut porter le triple chignon (triśiras) des jeunes dieux, mais la Chine en fait un personnage rubicond et ventripotent. Son attribut normal est le vase des ascètes (il porte parfois leur vêtement), mais il peut aussi tenir un lotus et faire des gestes divers (mise en route de la roue de la Loi, enseignement, don, etc.).
Avalokiteśvara, émanation du Buddha Amitābha dont la figurine en méditation orne sa coiffure, est le plus célèbre des Bodhisattva. « Protecteur de l'Univers » (lokanātha), son activité inlassable dans ce domaine, détaillée dans le « Lotus de la Bonne Loi » (Saddharmapuṇḍarikasūtra) ou dans la « Corbeille [des mérites d'Avalokiteśvara] » (Karaṇḍavyuhasūtra) et autres textes du Mahāyāna, est largement illustrée. « Changeant de forme à son gré » (kāmarūpin), il est figuré sous une multitude d'aspects : à deux ou de multiples bras, à une ou plusieurs têtes, divinité féminine (Guanyin ; au Japon, Kwannon) dans le bouddhisme chinois, cheval Bālāha dans le cadre d'un jātaka du Buddha historique « récupéré » à son profit, etc. « Maître de l'Univers » (lokeśvara), il est le cosmos, et chacun de ses pores est un monde où règne un Buddha, comme le rappellent les statues « irradiantes » (Cambodge, xiiie s.) où son corps est couvert de[...]
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Écrit par
- Bruno DAGENS : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
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