BOUDDHISME (Histoire) Le renouveau contemporain
Rénovation religieuse et réforme sociale
Le bouddhisme moderniste n'est pas un mouvement homogène, mais se manifeste de façons les plus diverses, en fonction des aspects de la tradition bouddhique sur lesquels il repose. Il n'a cessé également de subir l'influence d'éléments traditionalistes. Parmi les traits communs aux mouvements de rénovation bouddhiste d'Asie, on constate, outre les modes d'interprétation rationalistes qu'on vient d'évoquer, un intérêt très vif pour les questions politiques et sociales, en particulier pour les réformes sociales, ainsi que pour le rétablissement du bouddhisme comme religion nationale et pour la restauration de ses droits traditionnels au sein de l'État et de la société. Anaḡarika Dharmap̄ala accusa, lui aussi, la puissance coloniale de viser à faire disparaître le bouddhisme ; et, dans toutes les régions colonisées, l'aspiration à la rénovation religieuse fut étroitement liée au mouvement d'indépendance nationale.
Une fois recouvré l'indépendance nationale, des conflits ouverts opposèrent, dans plusieurs pays, les modernistes aux représentants des courants traditionalistes. Ces conflits influèrent aussi sur l'évolution politique et ils se manifestèrent au grand jour lorsque le législateur tenta de réformer les structures traditionnelles des communautés monastiques. Malgré ces heurts, le monachisme bouddhique continue de jouer aujourd'hui un rôle déterminant. Pour la communauté villageoise, les rapports étroits qu'entretient la population avec les communautés monastiques qui s'y rattachent restent un des éléments structurels de la plus grande importance. Pour la nouvelle classe moyenne urbaine, produit de l'évolution culturelle et sociale des dernières décennies, le bouddhisme devint le symbole de leur lutte contre la mainmise étrangère et l'aliénation culturelle. Les écrits du bouddhisme moderniste renvoient une image fortement idéalisée des conditions de vie à l'époque précoloniale, qui sert désormais de modèle aux aspirations rénovatrices.
C'est Bhimrao Ramji Ambedkar (1891-1956) qui, le premier, réussit en Inde à ranimer le bouddhisme de masse. Issu d'une basse caste réputée « intouchable », ce leader populaire estimait que seul le bouddhisme permettrait, en Inde, l'abolition non violente du système des castes et l'établissement d'une égalité de chances pour tous les Indiens. Contrairement au Mah̄atm̄a Gandhi, il ne faisait pas grand cas d'une simple réforme du système des castes, mais réclamait son abolition pure et simple. S'il est vrai qu'Ambedkar ne put réaliser tous ses projets, il prit néanmoins en tant que président du comité constitutionnel de l'Inde nouvelle une part importante dans l'élaboration de la Constitution, jetant ainsi les bases d'une rénovation sociale de l'Inde. Des groupes importants d'anciens « intouchables » suivirent son appel, surtout dans les États du Mah̄ar̄ashtra et du Madhya Pradesh, et se convertirent au bouddhisme.
Le dynamisme des mouvements bouddhistes modernes s'est manifesté aussi en Asie du Sud-Est : ainsi, Chamlong Srimuang, élu en 1985 gouverneur de la capitale de la Thaïlande, Bangkok, appartient au groupe bouddhiste radical de Santi Asoke, groupe qui tente de façon rigoureuse de renouer avec les idéaux de vie simple de la communauté bouddhique des origines. Même dans l'archipel indonésien, qui a été converti à l'islam au xve et au xvie siècle, on observe un renouveau du bouddhisme qui renoue avec les anciennes traditions du pays.
C'est à l'influence qu'il exerce, aujourd'hui, dans plusieurs pays du monde occidental, en France, ainsi qu'en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux États-Unis, que l'on reconnaît l'entière vitalité du bouddhisme moderne. À l'origine de la propagation[...]
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Écrit par
- Heinz BECHERT : professeur à l'université de Göttingen, Allemagne
Classification
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